Fractures territoriales en France
Quand l’approche sociale croise la géographie des territoires, le meilleur peut survenir comme les deux essais que publie la collection « La République des idées » dirigée au Seuil par Pierre Rosanvallon et Ivan Jablonka.
La « nouvelle fracture territoriale » du professeur du
CNAM (chaire « Economie et développement des territoires ») Laurent
Davezies* ambitionne de « déglobaliser la crise » en l’étudiant du
point de vue territoriale, non seulement dans ses effets mais aussi dans ses causes. « Il faut donc renverser l’analyse :
l’“aménagement du territoire” n’est plus un enjeu d’appoint, tributaire de l’état
général du pays. C’est plutôt l’équilibre du pays tout entier qui dépend de la
santé de ses territoires », - territoires entendus comme les régions, les villes,
les banlieues qui, loin de constituer une « dimension du réel », sont
« le réel lui-même » (128 p., 11,80 €).
Au sein du triptyque des territoires métropolitains, les
banlieues occupent une place une place particulière compte tenu de l’intensité
des problèmes sociaux et urbains conduisant à la « marginalisation urbaine
et sociale d’une partie de la population ». Ce poids d’un territoire en
crise nourrit des imaginaires répulsifs (les « territoires perdus de la République »)
et interrogent la capacité du politique à agir. Deux sociologues, Michel
Kokoreff et Didier Lapeyronnie, soulignent que le problème clef est politique, au
sens des rapports entre les groupes sociaux et la construction symbolique de
ces rapports. « L’enjeu est décisif, avancent-ils : si le problème
est politique, alors la solution est aussi de nature politique. Il s’agit, pour
le dire en un mot, de réincorporer les banlieues dans la communauté, d’en faire
un espace démocratique. […] Il est urgent que les habitants deviennent des
citoyens à part entière, c’est-à-dire des acteurs de la vie démocratique,
quitte à nourrir une certaine dose de conflictualité. Lutter contre le chômage
de masse, la délinquance et les nuisances qui pourrissent le quotidien est une
nécessité ; mais, au préalable, il faut refaire la cité. L’intégration
politique doit être la priorité ». Ainsi la confrontation du problème des territoires
et de la question sociale, assumée par des sociologues, débouche-t-elle sur une
proposition en faveur d’une rénovation de l’action politique (Refaire la cité. L’avenir des banlieues,
112 p., 11,80 €) .
La force du problème posé par les banlieues tient à sa
visibilité. Mais d’autres logiques territoriales accentuent des phénomènes
inverses d’ « invisibilité sociale » étudiés par exemple, en 2009,
par le philosophe Guillaume le Blanc (PUF, coll. « Pratiques
théoriques », 197 p., 19 €).
Vincent Duclert
*Il a publié dans la même collection, en 2008, La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses.
You can follow this conversation by subscribing to the comment feed for this post.