Le Seuil réédite en collection de poche « Folio histoire » la somme de l’historien britannique Edward P. Thompson parue en anglais en 1963 et traduite seulement en français vingt-cinq ans plus tard (première édition, coll. « Hautes études », Gallimard-Seuil-EHESS, 1988), La formation de la classe ouvrière anglaise (1166 p., 14,50 €). C’est une prouesse matérielle car il s’agit du volume le plus imposant de cette collection, qui concurrence ici les formats des livres « Bouquins » (Robert Laffont) ou « Quarto » (Gallimard).Une substantielle introduction inédite de François Jarrige rappelle le parcours hors-norme de Thompson, adhérent du Parti communiste dans sa jeunesse, combattant durant la Seconde Guerre mondiale, impliqué dans le mouvement d’éducation populaire qui le fait délaisser « les ors de l’académisme au profit de l’engagement militant et syndical ». C’est dans l’environnement d’Halifax au nord du pays, un « lieu saturé par la mémoire du mouvement ouvrier et de l’ancienne industrie lainière » que Thompson élabore La Formation de la classe ouvrière anglaise définie d’abord par une méthode, l’histoire « par en bas » (from below), « histoire du peuple, de la marginalité, de la révolte, de la résistance ». Ainsi voit-on avec Thompson s’élargir ainsi la notion de politique et de politisation de la société.

Vincent Duclert