Séquence BD. Saint-Laurent-des-Arabes
Daniel Blancou est l’auteur et le dessinateur de Retour à Saint-Laurent-des-Arabes (Delcourt, 143 p.). Petit format, petit graphisme pour une histoire oubliée, celle des harkis rapatriés au lendemain de la guerre d’Algérie (tous ne l’ont pas été comme on le rappelle en ce temps de commémoration ; beaucoup ont été abandonnés sur injonction du pouvoir politique). Une famille se souvient, rare famille française à avoir vécu dans les camps militaires où la France internait les harkis, celle des instituteurs envoyés par l’Education nationale comme à Saint-Laurent-des-Arbres au camp de Saint-Maurice-l’Ardoise. C’est le cas des parents de Blancou qui y ont exercé leur métier durant neuf ans. « C’est là qu’ils se sont rencontrés, se sont mariés. Quelques mois après sa fermeture, je naissais ». Outre un dessin précis aux couleurs pâles, l’album est passionnant par la manière dont Blancou restitue l’apprentissage de ses parents confrontés à des élèves et des familles si éloignés de leurs univers, remettant en cause toutes les certitudes tant pédagogiques que civiques. Les instituteurs doivent s’intégrer à leur milieu comme les Arabes doivent apprendre à connaître cette France-là, exigeante mais finalement attachante car au service de leurs enfants, solidaires de leur misère et refusant, comme ils le peuvent, avec leur pauvres moyens, les conditions qui sont faites aux harkis, pauvreté, privation de liberté, humiliations fréquentes, avenir impossible. Beaucoup d’humanité et de dignité surnage pourtant au gré de situations quotidiennes, dans ces camps qui finiront par disparaître après les révoltes de harkis dont les parents de Blancou sont les témoins – et un peu les responsables aussi, les jeunes ayant été leur élèves. A l’heure des interrogations sur le devenir des communautés dans la République, ce livre est une leçon de tolérance et la preuve qu’il n’y a aucune fatalité dans l’exclusion – à condition de donner leur chance aux instituteurs comme à leurs élèves et leurs familles.
Vincent Duclert
Rédigé par : [email protected] | 06 septembre 2012 à 20:49
Harkis : les camps de la honte
lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news
En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.
35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.
Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)
Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net