Les "Gueules Noires" de Lens
Le doublé du LOSC samedi, l'équipe lilloise remportant à la fois la Coupe et le Championnat de France de football, a suscité une véritable communion des habitants de la capitale du Nord avec leur club. Le football n’est pas seulement un sport, une équipe, un stade, un public. Car il fabrique aussi du lien social au point que l’étude d’un club mène à une plongée sans équivalent dans la société française. Enquête historienne et sociologie de l’action ont fondé le travail de Marion Fontaine sur le Racing Club de Lens qui, rappelons-le, a anticipé la ferveur populaire de la coupe du monde 1998 en remportant, le 9 mai précédent, le championnat de France, la première et unique fois de son histoire. « Un déluge de commentaires avait alors salué la victoire du "Club des Gueules Noires" par le truchement de laquelle s’imposait le triomphe des valeurs de la ténacité et du travail sur un continent où l’argent semblait ruiner l’âme du sport », explique Christophe Prochasson qui a signé la préface de la publication de cette thèse aux éditions des Indes savantes, dans la collection « Rivages des Xantons » (Le Racing Club de Lens et les « Gueules Noires ». Essai d'histoire sociale, 2010, 292 p., 29 €).
La chercheuse de l’université d’Avignon ouvre elle aussi son travail par l’évocation raisonnée de cette victoire sportive aux sens multiples : « Elle sembla faire revivre aussi, pour un instant, l’image des "Gueules Noires", de ces mineurs auparavant consacrés en héros des luttes ouvrières, désormais convoqués comme emblèmes par les supporters lensois ». Cette « incroyable effervescence sportive » réveillait selon elle « le souvenir d’un mort, de ce monde disparu et figé, présenté comme un monolithe tout entier identifié par le travail du charbon. C’est avec cette étrangeté que tout a commencé, avec le regard étonné porté sur ce kaléidoscope où se succédaient la vision des supporters en sang et or (les couleurs traditionnelles du RCL) et la remémoration fugace des mineurs noircis à la sortie de fosses. C’est de cette superposition qu’est né le problème fondateur de ce livre, à la frontière du jeu et des Mines, à la frontière de l’histoire du sport et de celle du monde ouvrier ». La compréhension des processus de transmission des identités sociales est au cœur de cette recherche passionnante, remarquablement exposée et rédigée. Ou comment le sang versé se change en or partagé.
Vincent Duclert
Alors que Lille célébrait sa double victoire, le RCL était rétrogradé, pour la deuxième fois de son histoire, en Ligue 2. Mais nul doute que cette épreuve devrait souder davantage encore le club à ses supporters « en sang et or ».
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