Conscience es-tu là ?
Disons-le tout de suite, le principal intérêt de Veille de Robert J. Sawyer (Robert Laffont, 2010, 395 p., 21€) n'est pas dans l'intrigue. Elle ressemble trop au scénario d'un film familial d'espionnage mâtiné de science-fiction (et étant donné qu'il s'agit du deuxième tome d'une trilogie, on pourrait attendre une adaptation hollywoodienne). Mais l'auteur est passionné de science. Et s'il la pousse un peu vers la science-fiction, il reste fidèle à la science actuelle. Et il possède un réel talent pour la mettre en scène et l'exposer de façon attractive.
Soit, donc, une adolescente de 16 ans. Elle est aveugle, mais pour une raison si particulière qu'un spécialiste japonais de la vision lui a rendu la vue d'un œil grâce à un implant électronique (dans le premier tome de la trilogie). Et elle est surdouée en mathématiques. C'est normal, c'est l'héroïne, et son père est un physicien théoricien de génie, collègue de Stephen Hawking ; et sa mère est spécialiste de théorie des jeux. Son œil est relié à Internet, dont elle voit la structure interne (comme Néo dans Matrix en quelque sorte). Réciproquement, elle permet au Web de voir, ce qui a permis l'émergence, au sein de celui-ci d'une conscience. Vous suivez ? Bien entendu, cette apparition d'une intelligence non contrôlée (et rapidement incontrôlable) n'est pas du goût des services secrets, du moins ceux des Etats-Unis (qui dirigent le monde), qui essaient de l'éradiquer. Mais si les gentils de cette histoire sont très gentils, les méchants ne sont pas vraiment très méchants, et éventuellement, sont ridicules.
Passons donc. Tout cela ne mériterait pas plus d'attention si Robert J. Sawyer ne construisait son histoire de manière à amener des exposés de vulgarisation scientifique, toujours à propos pour faire avancer l'histoire. Il extrapole évidemment un peu pour les besoins de la fiction, mais jamais trop, et les réflexions que partagent les personnages sur la théorie de l'évolution, le dilemme du prisonnier (et plus généralement la théorie des jeux) ou encore la nature de la conscience, sont en ligne avec les débats scientifiques d'aujourd'hui. C'est dans cette science actuelle que les héros trouvent des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent. Et on aurait mauvaise grâce à reprocher à Sawyer sa philosophie humaniste : après tout, il a bien le droit de penser que l'homme est foncièrement bon (comme le bonobo aussi), même si une observation attentive du monde pourrait parfois nous en faire douter.
Luc Allemand
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