La traversée des catastrophes
La dignité des Japonais devant une catastrophe qui empire d’heure en heure, leur refus de céder à la panique, la résistance des sinistrés de la province de Sendai côtoyant la mort, la désolation, le dénuement, le froid, le recueillement pour les morts et l’attention aux vivants, les silhouettes dressées au milieu des paysages détruits, le courage des 600 000 déracinés forcent l’admiration. Les témoignages des journalistes et des photographes expriment cette détermination collective et individuelle à refuser le désespoir, à continuer. « Il faut y aller », comme a dit le philosophe Pierre Zaoui dans La traversée des catastrophes, assumant le devoir de regarder les expériences qui mettent à nu la dignité et la révèlent, plus forte que ce qui était imaginé. « Il faut continuer », mots qu’il emprunte à Beckett à la fin de L’innomable, et à Michel Foucault au début de L’ordre du discours. Ne rien lâcher. « Le cri sans phrase de la vie increvable de l’esprit une fois effondrées toutes les vieilles idoles [...], une exigence pure de continuer sous la reconnaissance apparente du discret, plus forte que toute raison, que toute excuse, que tout abandon ». Il faut la philosophie pour comprendre l’inconcevable au Japon, la force d’une humanité qui choisit de continuer.
Vincent Duclert
Pierre Zaoui, La traversée des catastrophes. Philosophie pour le meilleur et pour le pire, Le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2010, 379 p., 23 €.
Photographie : New York Times
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