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04 novembre 2010 |

Les couleurs de nos souvenirs

Blog pastou 
Après le prix Fémina essai décerné l’année dernière à Michelle Perrot pour Histoire de chambres, « La librairie du XXIe siècle » des éditions du Seuil, dirigée par Maurice Olender, enregistre un nouveau succès littéraire avec le prix Médicis essai accordé à Michel Pastoureau pour son livre, Les couleurs de nos souvenirs (264 p., 18 €). Agé de soixante-trois ans, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), l’auteur partage son temps de recherche, d’enseignement et d’écriture entre l’histoire et la symbolique des couleurs d’une part, et l’histoire des animaux de l’autre. Il a publié notamment, sur ce dernier sujet, L’ours, Histoire d’un roi déchu, dans la même collection, en 2007. Ses publications scientifiques relatives aux couleurs sont nombreuses ; elles se poursuivront, en 2012, avec une anthologie du Rouge commandée par son éditeur du Seuil.

L’ouvrage honoré hier, 3 novembre, par les jurés du Médicis, est un très beau livre. C’est d’abord un ouvrage de recherche au sens classique du terme. Michel Pastoureau interroge et construit son objet, la couleur et les couleurs dans l’univers social, familial et intime des individus, en prenant sa propre existence comme terrain d’enquête, et en l'éclairant, en la révélant même, grâce à des enquêtes fulgurantes d'histoire symbolique et culturelle. C’est aussi un livre sur la mémoire personnelle, sur la fabrique des souvenirs, sur la présence de l’enfance ; Michel Pastoureau y mène une analyse très fine, sensible et toujours juste, de la manière dont les souvenirs demeurent dans la conscience ; et ce sont les couleurs qui, prioritairement, donnent une existence aux émotions du temps perdu. L’auteur démontre, grâce à des récits de fragments de vie, le pouvoir de la couleur de fixer les événements qui marquent l’existence et font ce que nous sommes. Cette expérience de soi est restituée dans une langue d’une grande qualité. Les couleurs de nos souvenirs est un exemple d’écriture littéraire qui transmet un savoir précieux, indispensable même à la compréhension des choses et des êtres. N’est-ce pas un hasard si le titre choisi est inspiré d’une phrase de Gérard de Nerval, dans une lettre d’avril 1848 à Paul Chenavard : « … avant que ne s’évanouissent dans l’éternité du silence les couleurs mêmes de nos souvenirs ». Ce sont ces mêmes couleurs, retrouvées et rappelées, qui ramènent les souvenirs à la surface du temps.

« André Breton restera toujours dans mes souvenirs associé à une certaine nuance de la couleur jaune, et, avec lui, l’ensemble du mouvement surréaliste. A tout jamais pour moi le surréalisme est jaune, d’un beau jaune lumineux et mystérieux. » (page 19).

Vincent Duclert

Illustration de couverture du livre : Eugen Batz, Correspondence between colours and forms. Study from Kandinsky's teaching, 1929/1930.

 

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