Le SenS de la vie
Claude Bénichou, enseignant-chercheur en psychologie et historien des sciences, est aussi éditeur. Il dirige, dans des conditions matérielles qui ne sont pas des plus faciles, « Sens Editions », anciennement « ScienceS en Situation », dont l'épine dorsale est la collection « Le SenS de la vie ». Il s'agit d'une Association Loi 1901, c'est dire que le lucre n'est pas la préoccupation première des associés. On se souvient, parmi bien d'autres ouvrages publiés chez cet éditeur, d'une Ethique environnementale (2000), d'une belle réédition de De la fécondation des orchidées (Charles Darwin, fac-simile de la première édition française de 1870 publiée en 1999), ainsi que de la passionnante et inénarrable Etude sur la vieillesse et le rajeunissement par la greffe de Serge Voronoff (1866-1951), chigurgien endocrinothérapeuthe – qui, entre 1920 et 1930, greffa des lamelles de testicules de singes dans la tunique vaginale de testicules d'hommes en quête d'une seconde jeunesse... Remarquable et opportune publication car l'histoire des sciences, c'est aussi l'histoire des échecs, aberrations et erreurs scientifiques, Georges Canguilhem (1904-1995) le rappela en son temps.
Cette fois, c'est un livre majeur du géologue Charles Lyell ( 1797-1875) qui vient enrichir le catalogue de SenS Editions : L'Ancienneté de l'homme, prouvée par la géologie, et remarques sur les théories relatives à l'origine des espèces par variation (2009, fac-simile de la première édition française de 1864 [première édition anglaise 1863], 557 pp, 59 €). Le texte est introduit par Marie-Françoise Aufrère, historienne de la géologie, et Gabriel Gohau, président du Comité français d'histoire de la géologie et dont on sait la renommée internationale depuis la publication de son indispensable Histoire de la Géologie (1987). Les grandes controverses de l'époque, qui ont marqué la pensée de Lyell, sont présentées et offrent au lecteur une grille de lecture très utile. C'est ainsi de « l'uniformitarisme » et du « catastrophisme, par exemple. « L'uniformitarisme » du fondateur de la géologie moderne postule que les très lents processus actuellement à l'oeuvre en géologie sont les mêmes qui furent à l'oeuvre dans le passé lointain. Ce qui destituera à terme le « catastrophisme » alors en harmonie avec le texte biblique et dont Georges Cuvier (1739-1832) fut l'un des représentants les plus éminents : ce dernier soutenait que la Terre a été formée en un assez court laps de temps par catastrophes successives - l'Homme étant d'apparition récente puisque postérieur à la dernière catastrophe. Ce conduisit Cuvier à affirmer en 1832 encore qu'il « n'y a pas d'os humains fossiles », les calottes crâniennes de Canstadt et d'Engis que l'on reconnaîtra bientôt comme « néanderthaliennes » étant alors jugées pathologiques.
La reproduction de l'ouvrage original est excellente, y compris les figures. SenS est un petit éditeur d'histoire des sciences, dans la grande tradition...
Pascal Acot, IHPST
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