De la liberté, de son principe, de son statut
La revue Pouvoirs s’intéresse dans son numéro de rentrée à un sujet capital, « L’état des libertés » en France (n° 130, 218 p., 18 €). On s’arrêtera dans cette chronique à l’article de Guy Carcassonne intitulé : « Libertés : une évolution paradoxale ». Il donne son style au dossier*. Cet éminent constitutionnaliste souligne ce paradoxe d’une protection des libertés qui s’est considérablement améliorée et d’un recul simultané du principe de liberté. Le droit, dans l’inflation de sa production, a fini par s’opposer à ce qu’il est censé défendre et promouvoir. De la même manière, observe l'auteur, les (certains) magistrats en viennent à oublier ce que la Constitution établit pourtant de manière solennelle dans son article 66 : l’autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle. Et Carcassonne d’avancer une explication à ce recul du statut de la liberté. « C’est un peu comme si, le droit ayant accompli des efforts, ses usagers s’en trouvaient dispensés, comme si la liberté était sauve par cela seul qu’elle demeure proclamée, ce qui vaudrait solde de tout compte. Tant pis, alors, si l’on n’ose plus dire que la moitié de ce qu’on pense et, moyennant euphémismes, si l’on ressent un sourd malaise devant des autorités aux décisions imprévisibles. Finalement, rien de bien étonnant à cela : l’économique a cannibalisé le politique à ce point qu’Adam Smith a écrasé Tocqueville, que nul n’ose plus s’avouer libéral, moins encore s’en flatter. L’on sait bien, pourtant, que la liberté de tous exige l’engagement de chacun. Celui-ci a faibli et, avec lui, celle-là. »
Le juriste suggère ainsi, pour sauver la liberté, de redevenir libéral – au sens politique du terme. Et de s'engager - comme savant et/ou comme citoyen.
Vincent Duclert
* voir aussi, notamment, la contribution de Laurence Burgorgue-Larsen sur les nouvelles technologies.
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