Contre mes seuls ennemis
Les pratiques et les enjeux du travail scientifique peuvent donner matière à une écriture de fiction. Isabelle Jarry en apporte la preuve dans son dernier roman (Contre mes seuls ennemis, Stock, 208 pages, 17 €),
Il y a des vrais « morceaux » de microbiologie dans le texte d’Isabelle Jarry. Avec pédagogie, comme un savant parlant au profane, elle use de la langue des sciences pour expliquer ce qui aspire la vie de ses personnages. Isabelle Jarry mobilise sans effort une grande culture scientifique : docteur en biologie, elle a publié en 1990 une biographie consacrée à Théodore Monod. Depuis son premier roman, L’homme de la passerelle (Seuil, 1992) elle a su s’écarter avec bonheur du champ scientifique dans des fictions intimes. Récemment, elle a uni l’écriture romanesque et La Traversée du désert (Stock, 2008), dans un récit aux temporalités enchevêtrées consacré à un aventurier anglais, le major Alexander Laing, qui découvrit Tombouctou avant Roger Caillé, disparaissant ensuite dans de mystérieuses circonstances.
Isabelle Jarry se révèle également une excellente ethnologue de la vie de laboratoire, dont nous savons bien, depuis les travaux de sociologues comme Bruno Latour, qu’elle ne baigne pas dans l’harmonie d’une cité scientifique parfaite : « Apparemment, tout fonctionnait parfaitement, mais dès qu’on observait les gens de près, on comprenait qu’ils allaient un peu de travers » (p. 99). Proverbiales colères du directeur du deuxième étage, Volodia Terskoff, course à la publication, amours cachés, ici entre Basile et sa belle et brillante collègue Jacinthe : Isabelle Jarry tend aux chercheurs un miroir à peine déformant du mélange d’enthousiasme intellectuel et de médiocrité humaine qui fait le sel de la vie de laboratoire. La palme de l’effet de réel revient au collègue étranger en décalage horaire permanent, ici Jang, le coréen en thèse sur les mycorhizes mixtes, au bord de la crise de nerfs, mais qui renouera in fine avec la sagesse asiatique.
Dans le sauve qui peut général accompagnant la prolifération du virus, les fissures physiques du bâtiment provoquent un éclatement du corps social des chercheurs. Echappant au naufrage, Basile et Jacinthe font du Centre le théâtre de leurs amours et de leurs recherches, qui doivent les mener au firmament de la microbiologie. La fin du livre est une sorte d’apocalypse dans laquelle Isabelle Jarry quitte l’ethnologie pour une épistémologie prospective, rêvant d’une nouvelle alliance entre la science et la nature, une « grande métamorphose » qui nous mettrait à l’écoute du vivant. Vincent Guigueno
Rédigé par : Luc Allemand, La Recherche | 19 juillet 2009 à 22:44
Je partage ce qu'écrit Vincent Guigueno à propos du cadre du roman d'Isabelle Jarry. Toutefois, un bon décor ne fait pas un bon livre, et on a plus l'impression de lire l'ébauche d'un texte encore à travailler. On trouve des maladresses et des inhomogénéités surprenantes, ainsi que nombre de fausses pistes de toutes sortes. Peut-être l'auteur s'est-elle trop préoccupée de l'ambiance générale, au détriment du scénario. Bref, c'est quand même décevant.
Rédigé par : Duclert | 17 juillet 2009 à 15:20
A nos lecteurs,
Depuis quelques jours, le Blog des Livres s'écrit en noir et bleu. Ce défaut technique ne sera bientôt plus qu'un souvenir....
Cordialement.
Vincent Duclert