Gérard Simon
Sabine Rommevaux, Directrice de recherches au CNRS (Centre d'études supérieures de la Renaissance), et présidente de la SFHST, a communiqué ce matin, la lettre suivante annonçant le décès de Gérard Simon
« Chers collègues,
Gérard Simon nous a quitté ce 22 juin. Ancien élève de l'ENS d'Ulm, il était philosophe et historien des sciences. Il était membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences, membre du Comité national d'histoire et de philosophie des sciences, ainsi que de la Société française d'histoire des sciences et des techniques. Il fut l'un des membres fondateurs de l'équipe d'histoire des sciences de Lille 3, le Centre de recherche sur l'analyse et la théorie des savoirs. Nous connaissons tous son ouvrage remarquable sur Kepler ainsi que ses travaux sur l'optique et l'histoire de la vision, sur l'astronomie et l'astrologie. Bernard Joly et moi-même avions organisé un colloque en son honneur, à Paris, en 2005, dont les actes ont été publiés dans la Revue d'histoire des sciences en 2007. La communauté des historiens des sciences perd un de ses membres éminents.
J'ai perdu un ami très cher.
Au nom de la SFHST, je présente toutes mes condoléances à sa famille. »
Nous avions, à La Recherche, dans le numéro de juillet-août 2008 (p. 107), publié un compte rendu du dernier livre de Gérard Simon du à Anne Rasmussen, de l’université de Strasbourg. Nous le republions ici, en hommage à l’historien des sciences disparu :
Gérard Simon, Sciences et histoire, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2008, 204 p., 17,50 €
Ce livre ambitieux, mais tout autant clair, sobre et précis, livre une réflexion sur « l’historicité des sciences » qui s’apparente à une méditation intellectuelle et personnelle : celle d’un historien des sciences, Gérard Simon, venu de la philosophie mais passionnément attaché à la démarche historique, connu pour son œuvre arpentant depuis près d’un demi-siècle les sciences modernes et anciennes. Il est en effet spécialiste de l’histoire de l’optique antique et médiévale, mais surtout grand connaisseur de Kepler, l’« astronome astrologue » selon le titre du livre qu’il lui consacra en 1979 dans le sillage de sa thèse. La formule était révélatrice, déjà, de l’affirmation de l’hétérogénéité radicale des disciplines scientifiques, justifiant de leur connaissance historienne pour laquelle il est ici plaidé. La « science n’est pas une histoire du vrai » et son intelligibilité réclame de rester « immergé dans la pensée du temps », celle qui, dans la première moitié du XVIIe siècle, fait coexister sans contradiction chez Kepler l’astronome et l’astrologue – plutôt que de « plaquer sur le passé des sciences les évidences de leur présent ». Le fil conducteur de cet essai chemine d’un questionnement serré de la notion contemporaine de « science » (comment caractériser des sciences ? comment l’abstraction les constitue en mode de connaissance spécifique ? comment rendre compte historiquement de la rationalité ?) à l’exposé des interrogations qui ont nourri la rencontre entre sciences et histoire. Y interviennent la pluralité des temporalités, la notion d’événement, la possibilité d’un progrès de la connaissance historique, ou encore les approches qui, dans le domaine des sciences sociales et humaines, ont déplacé la focale purement historienne – l’inflexion vers l’anthropologie est ici sensible. Si la vision classique de l’histoire des sciences que développe ce livre ne néglige pas ses soubassements philosophiques, c’est toutefois en exprimant de grandes réserves envers l’épistémologie, et en mobilisant des ressources originales, dont l’archéologie du savoir de Michel Foucault n’est pas la moindre. Le propos de Gérard Simon, tout en exigence démonstratrice, est également attachant parce qu’il se fonde sur son propre itinéraire intellectuel, évoqué sans complaisance, et ses propres objets de recherche pour donner accès à cette réflexion sur les méthodes et les problèmes que pose la constitution du savoir scientifique. A ce titre, la portée heuristique de cet ouvrage de la maturité en fait une lecture plus que recommandable aux jeunes historiens des sciences, mais aussi aux jeunes scientifiques soucieux d’un regard réflexif sur leurs disciplines.
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