L'Amérique que nous voulons
L’engagement individuel des Américains dans l’investiture, aujourd’hui 20 janvier 2009 à Washington, du 44e président américain renforce la signification de la victoire de Barack Obama le 4 novembre dernier.
Il s’agit d’une mutation importante qui ne peut laisser indifférents les spécialistes d’histoire politique ni tout contemporain dans le monde. L’élection du candidat démocrate n’a pas signifié seulement la victoire d’un homme, d’un parti et d’un programme, comme classiquement en démocratie. Elle a aussi, et d’abord, déterminé des millions d’Américains à se ressentir comme tels et à vouloir accomplir leur devoir civique. Et même au-delà, dans le monde entier, par un phénomène d'intense procuration. La politique s’est imposée à ces Américains et Américaines alors qu’elle leur était restée jusque-là lointaine, abstraite, réservée à l’autre part de la société, brillante et dominante, dont ils étaient exclus. Un nouveau type de représentation s’est révélé brusquement, et celle-ci implique autant les gouvernés que les gouvernants. L’éveil de beaucoup d’Américains à la politique constitue une donnée fondamentale de cette élection et de la réalisation de l’investiture. C’est ainsi que ces nouveaux citoyens, et les autres, peuvent raisonnablement dire ou écrire, « L’Amérique que nous voulons », qui est l’exact complément du « Yes, we can », le slogan de campagne inventé par le camp démocrate. De fait, le titre qui fut donné à la traduction française de The Conscience of a Liberal du Prix Nobel d’économie et éditorialiste au New York Times Paul Krugman s’avère visionnaire (Flammarion, 2008, traduction française par Paul Chemla, 353 p., 22 €). Concevoir que l’on puisse imaginer, raisonnablement et librement, le visage du pays où nous vivons est un progrès considérable dans l’évolution démocratique des peuples et des Etats. C’est l’expérience d’une identité majeure. La contribution de Barack Obama à cette exceptionnelle victoire des individus et d’une société a été, on l’a constaté, décisive. Et cela d’autant plus qu’il a formalisé dans le verbe, dans ses discours et dans ses actes cette accession des Américains à un système politique auquel nombre avaient renoncé. La petite phrase de Michelle Obama durant la campagne présidentielle expliquant que, pour la première fois elle était fière de son pays, démontre l’importance décisive de ce qui s’est joué durant toute cette année 2008 jusqu’à la victoire finale. La force et l’intelligence de Barack Obama furent aussi d’avoir prouvé que cette démocratisation dans l’accès à la politique appartenait pleinement à l’héritage des Pères Fondateurs, qu’elle était au cœur de la vérité américaine, à l’opposé du modèle républicain de George Bush fait de confiscation du pouvoir par un clan et de domination du pays par les intérêts les moins nobles. Le bouleversement réalisé par la victoire de Barack Obama et sa traduction aujourd’hui dans l’Inauguration’s Day démontrent le pouvoir de la démocratie de progresser alors qu’on la disait usée et finissante. C’est un atout énorme dont se dotent Obama et son équipe pour affronter les défis économiques et sociaux qui les attendent. Mais le politique et l’intellectuel sont d’ores et déjà en ordre de marche.
Vincent Duclert, EHESS
- A noter que nous avons déjà consacré un billet au livre de Paul Krugman, ici même le 14 octobre dernier.
Rédigé par : V Duclert | 20 janvier 2009 à 08:52
Type pad est un logiciel de blog très capricieux. On édite le texte, et soudainement il sort en bleu sur le site. Ce n'est pas très grave aujourd'hui, puisqu'il s'agit de la couleur favorite des cravates portées par Barack Obama.
V Duclert