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18 novembre 2008 |

Le métro revisité

Blog auge Dans son dernier livre Le métro revisité (Seuil, coll. « La librairie du XXIe siècle », 100 p., au prix de 12€), l’ethnologue Marc Augé plonge le lecteur dans ce monde souterrain, 22 ans après la publication de son précédent ouvrage Un ethnologue dans le métro (1986, Hachette). Toutefois, on aurait tort de considérer que sa réflexion constitue une suite linéaire à son précédent ouvrage. L’idée n’est pas d’infléchir ses observations qui révélaient tout ce que le métro recèle de conventions, de rites, etc. Il constitue un arrêt dans le passé pour mieux cerner « le métro lui-même, qui est toujours là, mais qui a changé ». Comment distinguer les marques de la contemporanéité et quel sens y donner ? A ce titre, sa partie nommée « trajets » est riche d’enseignements sur la posture de l’ethnologue avec son terrain et on le suit volontiers dans ce wagon. Si le voyageur est devenu un usager qui a droit au « service minimal », le métro demeure un lieu où les foules se rencontrent et « jettent éventuellement un œil sur les publicités qui s’y affichent, et y font l’expérience concrète du fonctionnement des services publics ». Cet espace public met en scène de nouvelles formes de la pauvreté (presse dite solidaire, mendicité, etc.) tout en muséifiant non sans contraste certaines de ses stations. Il traite également subrepticement mais judicieusement de cet espace public sous « liberté surveillée » et des signes nombreux des techniques modernes qu’il interprète comme les traits de « l’expulsion intime de soi qui caractérise l’individualité contemporaine ». Le métro n’est résolument pas un non-lieu. Avec succès, on prend acte de ce que les détails disent de notre société d’aujourd’hui. Malheureusement, on finit par ne plus très bien savoir quelle est la véritable destination finale de son propos. On change de lignes et entre les lignes, on ressent l’ombre de son précédent ouvrage, sa nostalgie du poinçonneur des lilas qui gâche la possibilité de partager son expérience de « l’étrange alliance de la jeunesse, de la pauvreté et de la modernité ». Espérons néanmoins un voyage souterrain à son livre qui se lit comme un roman. Proust écrit dans le célèbre Du coté de chez Swan : « Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi ». Posons alors la question à nos lecteurs probablement usagers voyageurs si la relation avec leur métro est aussi intemporelle que la plus célèbre des madeleines.

Lynda Sifer Rivière, Cermès-Inserm

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