Collection "Uchronie"
Il y a deux ans, Pyrémonde, éditeur plutôt spécialisé dans les publications « régionalistes », inaugurait sa collection « Uchronie » par une très belle réédition de l’ouvrage éponyme de Charles Renouvier, suivi l’année dernière du Napoléon apocryphe de Louis-Napoléon (sic !) Geoffroy-Chateau, sans doute la première œuvre du genre. Après ces deux classiques incontournables (cf. Le détroit de Behring d’Emmanuel Carrère, réimprimé récemment), la collection prend vraiment son essor avec la parution en avril dernier de deux ouvrages plus marginaux, mais qui illustrent bien la diversité du genre. Ces deux titres, très différents par leur destination et leur ton, ont en commun l’obsession pour les implications militaires de la technologie, qui caractérise nombre d’uchronies.
Comment la France conquit l'Angleterre en 1888 d’Henri Buchard (2008, 96 p., 11,95 €), paru pour la première fois en 1891, est la traduction d’un Kriegspiel (« jeu de guerre ») censé démontrer la suprématie de la torpille sur le cuirassage des vaisseaux de guerre, qui illustre ce que l’uchronie peut véhiculer de ressentiment contre les revers de l’Histoire (ici la toute-puissance de la « perfide Albion » dans le combat naval).
Moins aride et plus plaisant, L’Aviateur de Bonaparte, roman-feuilleton de 1926 de Jean d’Agraives (livre I, 2008, 238 p., 23,5 €) représente une variation uchronique qui a fait depuis florès parmi les auteurs de SF : l’introduction d’un progrès technique ou scientifique antidaté, que l’on retrouve récemment dans Les conjurés de Florence, de Paul McAuley ou La cité de Satan de Fabien Clavel, entre autres. Espérons que le catalogue s’enrichira encore de raretés et autres curiosités endormies dans le purgatoire des bibliothèques ! Il suffit, pour prendre la mesure de l’ampleur du champ à explorer, de consulter la somme bibliographique d’Éric Henriet, L’Histoire revisitée (Encrage/Les Belles Lettres, 1999, rééditée et actualisée en 2004).
Ivan Kiriow