L'herbier des philosophes
Avec L’herbier des philosophes (Le Seuil, coll. « Science ouverte », 315 p. 22 €), un livre tout à fait original et passionnant à bien des titres, Jean-Marc Drouin nous rappelle que la botanique est assurément une chose bien trop sérieuse pour que l’on puisse encore accepter de la confier aux seuls botanistes. Professeur du Muséum national d'histoire naturelle, épistémologue, historien et botaniste amateur, l’auteur nous offre ici un livre qui renoue avec ce qui fut une passion séculaire des philosophes. On y découvre une botanique devenue une espèce de « mère de toutes les batailles » : au cœur de tous les grands débats naturalistes (les théories de l’évolution par exemple), une science traversée par toutes les controverses sociales et philosophiques qui trouvent dans les plantes et leur organisation arguments et contre-arguments, une allégorie rationnelle et raisonnée tendant à une systématique du monde et des passions des hommes. Effectivement, le monde végétal offert à la vue et aux sens de tous (y compris du plus profane) dans sa diversité et sa complexité, a longtemps été une source d’observations et de méditation pour les philosophes. Cette « rencontre » a nourri la pensée d’esprits comme Leibniz, Rousseau, Goethe, Condorcet ou Comte. Dans la visite d’un jardin, dans la pratique d’herboriser ou dans le parfum de la plus modeste des fleurs ils ont trouvé à la fois le « lieu » où forger leurs réflexions et l’outil de l’analyse philosophique. Au-delà, ce livre rappellera au lecteur un principe qui peut paraître aujourd’hui bien lointain : la nature et son étude (ici le monde végétal mais cela est vrai pour les trois règnes) ont longtemps été consubstantiellement liées à toute réflexion ontologique sur l’homme. De la perte du sens de cette relation dynamique découlent sans doute bien des incompréhensions actuelles.
Arnaud Hurel, Muséum national d'histoire naturelle
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