Encore un livre à ne pas lire
La quatrième de couverture de La Grande Eclaire, de Valérie Langlois (Actes Sud, 2008, 349 p., 21 €) m'avait alléché : elle annonce en effet que l'auteur a mené "une réflexion philosophique sur le fonctionnement quantique des mécanismes". Après un dossier consacré justement aux interprétations de la mécanique quantique (La Recherche, avril 2008), il était bien tentant de me plonger dans un roman pour m'aérer un peu l'esprit, tout en restant en terre familière. Hélas! La seule thèse que l'auteur semble avoir voulu défendre est que pour réellement comprendre la mécanique quantique, il est nécessaire de posséder des capacités supra-normales. Et que pour y accéder, rien de tel que de boire des décoctions d'une plante qui rend temporairement aveugle (pour ne plus voir que l'essentiel sans doute). J'ignorais que la chélidoine eut ces propriétés (personnellement, je m'en sers plutôt pour soigner les verrues), et je demeure dans le doute quant à la part d'invention de l'auteur sur ce point. Je ne demeure pas dans le doute en revanche quant à l'intérêt du livre : il est proche de zéro. Il ne suffit hélas pas d'avoir quelques idées pour faire un bon roman (un peintre qui tombe amoureux d'une aveugle, un étudiant qui suit à travers le monde le jeu de piste proposé par son vieux professeur) : le scénario est bâclé, les coïncidences téléphonées (ou intriquées quantiquement si on est indulgent), le dénouement prévisible. Quant au style, je ne résiste pas, parce qu'il faut bien rire un peu, à citer une phrase particulièrement remarquable : "Alessandra et Yannick se sont installés dans le sofa qui occupe le coin gauche de la grande pièce, mais tous les deux dans une posture très dynamique, les fesses au bord de l'assise, les idées prêtes à bondir." A méditer pour les prochaines réunions.
Luc Allemand, La Recherche
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