Peut-on réparer l’histoire ?
Peut-on réparer l’histoire ? s’interroge Antoine Garapon, magistrat, juriste, fondateur de l’Institut des hautes études sur la justice, dans un substantiel essai qui porte ce titre aux éditions Odile Jacob (289 p., 25,50 €). L’auteur relève l’importance aujourd’hui de la demande collective en faveur d’un jugement des faits du passé visant à sanctionner, non plus seulement des actes et des responsabilités mais aussi une vérité et une culpabilité ainsi décrétées aux yeux de l’humanité. En lien avec l’instauration d’une justice pénale internationale qui juge notamment les génocides présents s’est développée une justice civile universelle qui peut exprimer le « rêve d’une civilisation du monde » ou incarner un « dépassement de l’histoire ». Mais Antoine Garapon insiste aussi sur les contradictions de ce recours militant au droit, comme l’impossible retour au statu quo ante, les dérives possibles d’une justice sans tiers, l’ambivalence de la réparation financière ou les limites du formalisme juridique. Il plaide in fine pour « un désendettement mutuel par la politique » en se fondant notamment sur la construction européenne qui fut, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une forme réussie de dépassement du passé par la politique. Il plaide pour ce retour vers la politique et sa distinction nécessaire avec la justice. On pourrait ajouter que l’histoire des historiens conserve aussi un rôle éminent dans la réconciliation des peuples et des personnes avec le passé tragique. Souvent, la demande de droit et de justice envers le passé découle d’une recherche de connaissance que l’érudition n’a été à même d’apporter et qu'un procès, avec ses enquêtes judiciaires et ses débats méthodiques peut assurer à l’inverse (mais avec des finalités très différentes). La quête de savoir et de connaissance ne cesse ainsi d’être actuelle aussi bien que politique.
Vincent Duclert, EHESS
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