Le jeu de Cuse
« Ils cherchent dans le passé la clé de notre survie » : le sous-titre choisi pour l’édition française du dernier roman de Wolfgang Jeschke, Le jeu de Cuse (traduit de l’allemand par Christina Stange-Fayos, L’Atalante, 2008, 636 p., 24 €) lui rend mal justice. Cet argument de départ serait des plus classiques : le voyage temporel comme dernier espoir de salut d’un monde en perdition. Mais si Domenica, une jeune botaniste XXIe siècle, est envoyée 600 ans plus tôt, ce n’est pas pour empêcher la catastrophe nucléaire de Cattenom (un avertissement au culte français de l’atome ?), qui a fait de l’Europe un champ de ruines. Est-ce seulement, comme le prétend son employeur, « l’Institut Pontifical pour la Renaissance de la Création de Dieu », pour récolter les semences d’espèces végétales disparues ? Quel serait alors le rôle du cardinal Nicolas de Cuse, le philosophe préféré de Domenica, considéré (par Cassirer et Koyré, entre autres) comme un des grands « passeurs » entre Moyen-Âge et Renaissance ? S’agit-il de forcer la marche de ce progrès, en provocant une « accélération Cusanique », point de départ d’une uchronie guère plus réjouissante que « notre » monde ? Car ce n’est pas un simple voyage temporel, mais une plongée dans le multivers, l’infini des mondes possibles, qu’entreprennent l’érudit allemand et son héroïne. Et la rencontre de ces univers, que les spéculations philosophiques et les modèles cosmologiques s’accordent à considérer comme isolés, demeure la prérogative de l’imaginaire.
Ivan Kiriow
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