Statistiques, science et espace public
Les rapports science, technologie et société sont aujourd’hui
largement médiés par les statistiques. Les réformes actuelles sur la
recherche et l’enseignement se pensent et se vivent avec les nombres,
dans les coulisses de l’analyse et de la décision comme dans l’espace
public. Les émois récurrents au long du dernier demi-siècle qui
accompagnent la Dépense intérieure brute de recherche et développement
(Dird), «l’indicateur le plus chéri » ainsi que le rappelle Benoît
Godin, et son mythique pourcentage de 3 % du pib mériteraient à eux
seuls une analyse anthropologique approfondie. Retraçant l’histoire et
la construction sociale des statistiques officielles (d’Etat) sur la
science et la technologie, le livre de Benoît Godin, The Measurement
and Statistics on Science and Technology – 192O to the Present,
(Routledge, 2004, 361 p., 96, 21 €), revient sur les controverses qui ont accompagné la création des conventions sur la science et la technologie et dévoile
les représentations (ou les idéologies) enfouies dans les statistiques
officielles actuelles. Cette déconstruction dans le champ de la
science et de la technologie de la « raison statistique », selon
l’expression d’Alain Desrosières dans La politique des grands nombres.
Histoire de la raison statistique (La Découverte, coll. « Poche », 2000, 462 p., 13,42 €), permet notamment de prendre acte
de la domination des représentations économiques, des choix opérés
dans l’élaboration des conventions définies dans le Manuel de
Frascati, guide de référence dans la production des statistiques de
r&d, et des usages multiples des statistiques, irréductibles à la
rationalisation de la décision invoquée par les protagonistes.
Julie Bouchard, CNRS
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