Psychiatrie et démocratie
A la fin des années 1970, se produit en Italie, on l’a oublié, une véritable révolution dans l’histoire de la psychiatrie moderne : à l’initiative de Franco Basaglia (1924-1980), psychiatre à l’hôpital San Giovanni de Trieste, la loi 180 décidant la fermeture définitive des asiles est adoptée. Mettre fin au système asilaire, c’est pour ce médecin habité par la phénoménologie française le résultat d’une expérience profonde vécu d’abord localement, « la transformation politique d’une communauté » et aussi une tentative de penser autrement le vivre-ensemble, à à commencer par ses procédures d’exclusion. C’est là la force de ces conférences brésiliennes qui ne cherchent pas à coller des analyses faites dans les sociétés européennes à cet immense pays qui est alors sous le joug d’une dictature militaire. Ce que suggère Basaglia dans Psychiatrie et démocratie (conférences brésiliennes. Préface de Mario Colucci et Pierangelo di Vitttorio, traduction de l’Italien par Patrick Faugeras, Erès, 2007, 220 p., 25 €), sans jamais se donner en maître à penser c’est une alternative au mouvement révolutionnaire et de ses illusions, en refondant la communauté. Pour celui qui estime que la maladie est un produit historico-social, il s’agit donc à partir des questions de santé mentale de s’attaquer à ce qu’un Foucault désigne à la même époque comme la biopolitique et de là non à opérer une critique de la démocratie mais à encourager les brésiliens à interroger la rationalité politique dans laquelle s’inscrit l’enfermement. A travers ces interventions et ces entretiens qui abordent les situations concrètes, apparaît donc le portrait non seulement d’un grand médecin, mais également celui d’un formidable et méconnu intellectuel, citoyen de notre monde.
Philippe Artières, CNRS
Rédigé par : Aline Richard | 05 mars 2008 à 17:44
Concernant les questions autour de la biopolitique, signalons également la sortie chez Bayard de l'essai "La santé à tout prix", du philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag.