Travail à la chaîne
Travail à la chaîne n’est pas seulement un beau livre dans lequel de magnifiques clichés des archives Renault viendraient illustrer une histoire de l’île-usine de Billancourt, rasée et devenue une friche industrielle à la reconversion erratique. Tiré d’une thèse soutenue en 2001, pendant laquelle Alain Michel avait, chose encore rare, présenté un montage d’images d’archive, ce livre témoigne de la fécondité des « études visuelles » dans la recherche en sciences sociales (Travail à la chaîne : Renault 1898-1947, ETAI, 2007, 192 p., 45 €). Les images, fixes et animées, sont considérées comme des sources pour comprendre l’histoire sociale et industrielle, ici l’implantation du travail à la chaîne dans les ateliers de Louis Renault qui, à la différence de son grand rival André Citroën, n’instrumentalise pas ce mode d’organisation au service de sa communication. Michel montre qu’il ne s’agit pas pour les ingénieurs d’appliquer un plan d’ensemble, mais de tester, en tâtonnant, un processus complexe, rationalisé ex post par ses promoteurs. Le livre restitue la force visuelle d’un dispositif technique, le convoyeur, dont le flux fascina le cinéma et la photographie de l’entre-deux guerres. Michel s’interroge également sur un usage quasi-archéologique de ces sources visuelles pour mettre à jour les pratiques ouvrières face à la chaîne. L’enquête se prolonge aujourd’hui grâce à un ambitieux programme de recherche soutenu par l’ANR, usine 3D, qui permettra de modéliser les ateliers de Renault grâce à des images de synthèse. Une reconstruction virtuelle de Billancourt en quelque sorte…
Vincent Guigueno, Ecole des Ponts
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