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10/07/2009 | 

La chasse au balouchithère - jour 18

C’est le dernier jour de notre campagne de fouille. Nous ne sommes pas allés sur le terrain pour fouiller ou pour prospecter, mais nous sommes restés au motel, sur notre aire d’autoroute TSOF, pour alléger un peu les os de Balouchithère et de crocodile en les dégageant de leur gangue d’argile. Les fossiles sont tout propres dans les musées, mais en fait sur le terrain, ils sont extraits enveloppés d’une gangue plus ou moins dure. C’est en atelier qu’on les nettoie délicatement en utilisant divers outils et diverses techniques. Il faut aussi les consolider avec des colles à base de résine diluées dans l’acétone. Aussi, faut-il coller les morceaux cassés aussitôt que possible pour ne pas les perdre. Nous avons fait ce travail dans la matinée en installant notre atelier dans un local qui sert occasionnellement d’atelier mécanique de TSOF. Notre travail était plus avec l’intention d’alléger les fossiles pour faciliter leur transport que de les nettoyer vraiment.

Il fait chaud en Anatolie centrale ces jours-ci, et nous étions bien contents de rester à l’abri dans notre atelier improvisé pour faire ce travail. Puis, il a fallu tout emballer et charger dans nos deux véhicules tout terrain pour emporter demain notre butin de 2009 au Musée d’Histoire naturelle d’Ankara. Une vingtaine de cartons de tailles diverses pesant en tout plusieurs centaines de kilos.

La partie terrain de notre travail est achevée pour cette année. Il faut désormais préparer ce matériel fossile, analyser toutes les données de terrain collectées (stratigraphiques, sédimentologiques et paléontologiques).

Le bilan 2009 est très encourageant ; nous préparerons dès notre retour en France la campagne de terrain 2010. Nous espérons que nous avons réussi, via ces postes quotidiens, à vous faire partager nos découvertes et notre travail. A bientôt sur le site web de La Recherche !

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09/07/2009 | 

La chasse au balouchithère - jour 17

Le crâne de crocodile a été extrait du site en plusieurs plâtres par Sevket, Cenk, Cengiz et Fehmi (photo). Plus aucun fossile n’est maintenant apparent sur le site à balouchithère de Bagdatli ; ceux encore enfouis attendront l’année prochaine. Un gros travail de dégagement des plâtres et de restauration des fossiles est maintenant nécessaire.

De leur côté, Greg et Levent sont partie prospectés dans les formations éocènes de la région de Çiçekdaği. Un premier arrêt près du village de Büyükteflek dans la formation Deliceimark (équivalent de la formation Incik dans le sud du bassin de Çankiri), datée de l’Eocène supérieur grâce aux foraminifères. Cette formation géologique est constituée de niveaux fluviatiles rouge-noir alternant avec des tuffs de couleur blanche. Aucun fossile de vertébré ne fut trouvé durant ce premier arrêt. Le but principal de cette journée était de prospecter les niveaux ligniteux éocènes qui ont déjà livré par le passé des restes de vertébrés, notamment un grand mammifère de la taille d’une vache appelé Palaeoamasia. Cet animal, lointainement apparenté aux éléphants actuels, est également connu en Roumanie et en Egypte (Arsinoitherium). Dans la région de Çiçekdaği, la plupart des mines de lignite souterraines sont abandonnées, et la prospection des déblais de mines n’a livré que des gastéropodes et quelques restes de bois fossiles. Une mine gigantesque est encore exploitée à ciel ouvert, et l’ingénieur en chef nous a montré les fossiles (invertébrés, principalement mollusques) extrait des niveaux ligniteux (photos).

En rentrant au camp de base, Greg et Levent ont fait un stop pour voir une mine souterraine de sel. Le sel s’est formé durant l’Eocène, mais la formation et la remontée du diapir dans des formations plus récentes date du Miocène. Plusieurs galeries sont creusées dans la montagne et la halite (oxyde de sel) est extraite grâce à des engins de chantiers, plusieurs centaines de mètres sous la surface du sol. Les blocs de halite sont ensuite broyés en poudre. C’est le sel qui assaisonne nos aliments (photo).

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08/07/2009 | 

Chasse au Baluchithère - Jour 16

Ce matin, toute l’équipe, sauf Sibel qui est restée à préparer les fossiles, est partie prospecter dans les formations éocènes situées près du village de Kavak (peuplier en turc). Dans ce section affleurent les dernières formations marines d’Anatolie Centrale avec des d’innombrables nummulites (organisme unicellulaire dont la coquille calcaire forme une petite pièce de monnaie), et des mollusques. Au dessus (stratigraphiquement car tout cela a été affecté par la tectonique depuis), il y a les sédiments rouges de la formation d’Incik. L’un des buts de cette expédition était de trouver des fossiles de vertébrés dans ces niveaux rouges mal datés. Encore une fois, nous n’avons rien trouvé. En revanche, on a rencontré un primate hominoïde qui chassait le sanglier (officiellement) !

Après le déjeuner à Bagdatli, nous avons repris la fouille du site à balouchithère. La « surface à crocodile » a été en partie dégagée et plâtrée ; la partie restante est en cours de dégagement, mais laisse d’ors et déjà apparaître un crâne de crocodile en vue palatine. Ce crâne sera dégagé et plâtré demain.

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07/07/2009 | 

Chasse au Baluchithère - Jour 15

Hier en fin d’après-midi, Gürol et Korhan sont partis à Ankara, et ce matin Gerçek s’est retiré à Antalya (le chanceux !) jusqu’à l’année prochaine. 

Levent, Sibel, et Sevket ont passé la journée à Ankara, tandis que Çenk, Genkis et Greg ont continué la fouille à Bagdatli. Dès les premiers coups de marteau pneumatique, une facette articulaire d’un pisiforme (os du poignet) de balouchithère est apparu sous un bloc. Genkis a ensuite passé sa matinée à dégager et à extraire cet os carpien gigantesque. Une épiphyse incomplète de métapode fut mise au jour au cours du dégagement du pisiforme. De son côté, Çenk a découvert et dégagé des morceaux pluri-décimétriques d’os long de balouchithère qui étaient accumulés les un sur les autres. Greg a quant à lui délicatement préparé une surface ou des plaques dermiques et autres os de crocodiles sont enchevêtrés ; aucun os de mammifères n’a jusqu’à présent été identifié sur cette surface. Le bloc portant ces restes de crocodiles sera extrait du site demain. Après un déjeuner à base de tomate, quelques boulettes de viande, un piment, un morceau de pain, et en guise de dessert une délicieuse pastèque, les trois compères ont repris leur travail de dégagement. Sur le chemin du retour vers notre camp de base, un arrêt à Deliçe a été l’occasion de savourer une bonne bière fraîche.

 C’est tout pour aujourd’hui, à demain !

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La chasse au balouchithère - jour 15

 Bonjour à tous.

Après un départ émouvant de notre camp de base hier à 8h ,et une course dans les couloirs de l’aéroport  d’Istanbul pour changer de terminal, j’ai enfin atterri à Paris avec une petite heure de retard, chargé de mes 40 kg de bagages. Inutile de vous dire que la soirée fut courte et la nuit longue.

La journée d’aujourd’hui fut consacrée en se qui me concerne, à faire de l’administratif, et au nettoyage de tout le matériel de forage.

Demain je devrai pouvoir commencer le déballage et le classements des carottes qui se trouvent déjà à Paris (c’est-à-dire environs 1/3 de ce qui a été récolté, le reste arrivant avec Greg et Sevket), ainsi qu’à la mise au propre de mes notes concernant le paléomagnétisme. Il faut toujours  battre le fer tant qu’il est chaud.

Au passage je salut chaleureusement (enfin si on peut dire ça vu la température qu’il fait ici) toute l’équipe qui est encore là-bas pour une petite semaine.

J’en profite aussi, pour vous poster une image satellite du marais salant de Delice que j’ai trouvé sur google earth.

Vincent

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06/07/2009 | 

La chasse au balouchithère - jour 14

Ce matin, les journalistes, Marine et Valerio, ainsi que Vincent nous ont quittés...sniff, séance photo du groupe avant leurs départs (photo).

Comme hier, une partie de l’équipe a effectué des relevés géologiques dans la région de Bagdatli afin de mieux comprendre les relations entre les différentes formations, et la tectonique (plis, failles, chevauchements) qui les a affectées. Les observations qu’ils ont faites et les coupes levées permettent non seulement d’éclaircir l’histoire géologique du bassin de Cankiri, mais aussi, pour nous paléontologues, d’inférer l’environnement dans lequel vivait le Balouchithère et la faune associée.

Le reste de l’équipe a passé la matinée à prospecter les niveaux rouges et violacés de la formation Incik (photo). Ces roches affleurent largement dans la région où nous travaillons, et elles sont constituées d’alternance de chenaux « fossilisés » et de sédiments lacustres, mais jusqu’à présent très peu de fossiles ont été trouvé dans cette formation continentale. Notre prospection s’est une fois de plus révélée sans réel succès ; seuls des os fragmentaires de tortue et d’un grand mammifère ont été trouvés, mais leurs états de préservation ne permettent pas de les identifier avec précision. En fin de matinée, direction Bagdatli sous le regard d’une cigogne surveillant son nid perché au sommet d’un poteau électrique (photo).

Du « gros » travail nous attendait à Bagdatli. Séance Pioches et pelles pour agrandir la surface de fouille. Une surface d’un quart de mètre carré dégagé à coup de pioche a permis de mettre au jour plusieurs dizaines de plaques dermiques de crocodiles enchevêtrées les unes sur les autres (photo). Cenk et Cengiz ont quant à eux dégagé plusieurs morceaux d’os brisés appartenant probablement à un os de membre de balouchithère. Le puzzle devra être reconstitué au labo !

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05/07/2009 | 

La chasse au balouchithère - jour 12

Aujourd’hui, c’est la journée de repos. Seuls Levent, Gercek, Gürol et Korhan sont partis ce matin sur le terrain pour continuer leur travail de cartographie.

 

Sevket, Sibel et Greg ont profité de cette matinée calme pour faire un peu de tri de la fraction grossière du résidu des sédiments lavés il y a deux jours (photo). Ils ont trouvé plein de dents et os de rongeurs et autres lapins.

 

Dans l’après midi, Greg, Cenk et Vincent sont allés voir, près de Delice, un site tout à fait unique et exceptionnel : des cascades de sel (photo). Des eaux souterraines sortent de la falaise, juste à la limite des formations d’Incik et de Güvendik (constituée de gypse et de sel), dans une zone fortement faillée. Ces eaux souterraines qui circulent grâce à ce système de faille dans la formation Güvendik ont lessivé le sel qui se trouve dans cette formation (photo).

 

Ces eaux chargées de sel (saumure) percolent au travers de la formation Güvendik et coulent en cascade sur la formation Incik (photo). Le sel se cristallise en encroûtant la roche environnante, ainsi que les végétaux (photo). Ces cascades sont connues dans la région et ont même été exploitées. En effet, on a vu les vestiges d’un système de captage et de canalisation qui permettaient de récupérer cette saumure et de l’acheminer vers un petit marais salant situé en contre bas, sur le bord de la rivière (photo). Cette beauté de site est vraiment grandiose !

 

Demain, reprise du travail de fouille à Bagdatli, sans Vincent qui prend l’avion pour Paris dans la matinée. Ouf, il va enfin nous laisser tranquille avec ses p’tits trous! …de paléomagnétisme.

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04/07/2009 | 

La chasse au balouchithère - jour 12

Depuis que le crâne du Balouchithère a quitté le site de Bagdatli pour gagner sa nouvelle demeure au Musée d’Histoire naturelle d’Ankara, ce gisement paraît bien vide. Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus rien, mais les autres os de ce géant dispersés dans la gangue et que nous essayons de sortir un par un, sont de taille plus modeste : par exemple un métacarpe long de 40 cm ou une vertèbre dorsale dont le diamètre est plus de 30 cm. Aujourd’hui Grég, Cenk et Cengiz ont continué à fouiller ce site toute la journée. La gangue est de plus en plus dure en s’enfonçant sous la colline, et les fossiles plus rares… pour le moment.

Depuis hier soir, notre équipe s’est enrichie de deux collègues de l’Université d’Ankara : Prof. Gürol Seyitoglu et son doctorant Korhan Esat. Aujourd’hui ils sont partis avec Levent et Gerçek pour comprendre les relations des couches à Balouchithère avec la tectonique de la région. Les couches de la formation Kizilirmak sont en effet inclinées d’une vingtaine de degrés vers l’est et percées de cheminées volcaniques dont les laves recouvrent de part en part la formation de Kizilirmak. Cette fine équipe à quatre va arpenter en trois jours quelques dizaines de kilomètres carrés pour comprendre comment ce bassin s’est formé et comment il a été rempli de sédiments aussi variés que des argiles lacustres, des gypses indiquant la présence de lacs à forte évaporation ou des dépôts de plaine alluviale régulièrement inondée.

Pour la magnétostratigraphie, c’était le dernier jour consacré à l’échantillonnage. Vincent et Sevket ont passé la matinée sur la coupe de Gözükizilli B à forer trois carottes tous les 50 cm, les orienter et les emballer pour les emporter à Paris. De plus, ils ont grimpé la colline pour aller forer dans les basaltes qui recouvrent les dépôts à Balouchithère pour trouver la direction de la polarité magnétique enregistrée par cette coulée. Ce résultat pourrait également contribuer à des études tectoniques du bassin de çankiri menées par le Prof. Seyitoglu et ses collègues.

Enfin, Sibel a passé la journée à dégager les fossiles qui attendaient dans un dépôt de l’hôtel, à les réparer ; en bref à les embellir pour qu’ils puissent être étudiés dans les mois à venir.

Demain, c’est la relâche dominicale.

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03/07/2009 | 

La chasse au balouchithère - jour 11

Aujourd’hui, une grosse partie de l’équipe a lavé et tamisé les sédiments, trente sacs d’environ vingt cinq kilos, prélevés quelques jours auparavant à Bagdatli et mis à sécher au soleil sur deux grandes bâches (photo). Cette opération nécessite de l’eau, et l’équipe a donc passé une partie de la journée sur les bords de la rivière Deliçe, près de la ville du même nom. Une fois séché, ce sédiment est mis dans des bassines (photo) afin de faire défloculer les argiles. Les bassines sont ensuite vidées sur une colonne de tamis dont la maille est évidemment de taille décroissante. Le sédiment est lavé à l’            eau pompée dans la rivière (photo). Le résidu de ce tamisage est ensuite mis à sécher, et les différentes fractions seront triées sous loupe binoculaire au laboratoire afin d’extraire d’éventuelles dents et os de micro-mammifères.

De leur côté, Cenk, Fehmi et Greg ont fini de dégager et plâtrer une vertèbre et un métacarpe (os de la main) de balouchithère (photo). Un os du carpe a aussi été prélevé près de la vertèbre. Tous ces os reposent sur un lit de sables fin bleu-gris caractéristique, qui représente probablement le fond du lac dans lequel les os de balouchithère se sont déposés. Après le passage de la pelle mécanique, la surface fouillable s’est considérablement agrandie à Bagdatli, mais il reste tout de même environ soixante dix centimètres de sédiments à enlever pour atteindre le niveau fossilifère.

Dans l’après midi Şevket et Vincent, sont retournés à Güzökizili, poursuivre l’échantillonnage de GKB. Cette coupe devrait être finie demain matin.

Sibel est quand à elle resté au camp de base pour dégager des plâtres contenant deux vertèbres et un métacarpe (photo).

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. A plus.

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02/07/2009 | 

La chasse au balouchithère - jour 10

S’il existe des journées charnières au cours d’une mission, celle-ci en fut une.

A Bagdatli, une pelle mécanique est venue ce matin afin d’élargir la surface de fouille du site à Balouchithère, mais aussi pour charger le plâtre dans un véhicule. Après plusieurs tentatives plus ou moins ingénieuses (photo), le transpalette de la pelle mécanique a finalement pu glisser le plâtre dans le Land-Cruiser (photo). A l’heure où l’on écrit ces quelques lignes, le crâne repose dans le musée d’Ankara.

L’après-midi a été consacrée à l’extraction de la vertèbre dorsale jouxtant le crâne de Balouchithère (cette vertèbre n’a été pas retirée les jours précédents car elle ne gênait pas l’extraction du crâne). Evidemment, d’autres fossiles ont été découverts durant la préparation de cette vertèbre : un os du poignet, et un os long encore non identifié (photo), les deux ayant appartenus au pachyderme.

Les ossements n’ont pas été les seuls nouveaux venus de la journée… des agriculteurs du village voisin, curieux de l’agitation du site depuis plus d’une semaine, nous ont rendu visite. Parmi eux, un vieil homme (photo) nous a apporté un métatarse (os du pied) trouvé il y a plus d’un an dans un ravin proche du site de fouille. Troquant stylos et appareils photos contre marteaux et burins, les journalistes ont été initiés à ces curieuses fouilles (photo).

Quant à Vincent, il a travaillé toute la journée à Güzökizili pour ré-échantillonner la coupe GKB, située à une centaine de mètres de GKA. Malheureusement, le sédiment est vraiment difficile à forer. Il est constitué d’argiles indurées, relativement altérées et très fracturées. Vincent a donc eu beaucoup de mal à prélever ses échantillons. Si le paleomag de GKB ne peut être fini avant dimanche, on pourra dire que les carottes sont cuites !! Outre ses problèmes techniques, Vincent a affronté une chaleur étouffante, la poussière et les gaz d’échappement de la foreuse. Bref, une journée pénible.

Pour finir, souhaitons un très bon anniversaire à notre ami Greg, qui fête avec nous et une bouteille de şarap, le vin local,  ses 34 printemps.

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