Ronald Wood, directeur des éditions « De vive voix » poursuit inlassablement depuis des années la constitution d'un catalogue de CD audio sur des sujets scientifiques. Il m'a envoyé l'un de ses derniers titres, enregistré par Yves Coppens, intitulé « Origines de l'homme, de la matière à la conscience ».

Je l'ai écouté dans le métro, sur mon trajet quotidien entre mon domicile et La Recherche : ce n'est pas une compagnie désagréable. En 54 minutes, la voix d'Yves Coppens, professeur honoraire au Collège de France où il a occupé pendant plus de 20 ans la chaire de « Paléoanthropologie et préhistoire », nous conduit du Big Bang à l'homme. Il n'entre évidemment pas dans les détails, même pour la période d'émergence des hominidés, il y a 7 à 3 millions d'années, qu'il connaît le mieux.

Il tire un peu les dates vers l'ancien, plaçant par exemple les premiers hommes en Europe il y a 2 millions d'années (en fait, 1,5 million prouvés aujourd'hui pour l'Europe de l'Ouest, 1,8 pour le Caucase). Mais il remplit globalement son contrat vis-à-vis du très grand public, comme il a toujours su le faire, suscitant l'intérêt pour le récit de nos origines, et même des vocations de paléoanthropologues parmi les plus jeunes (j'en connais quelques uns).

Moins attendu, Yves Coppens développe dans cet enregistrement une vision cosmique de l'évolution : les choses se complexifient et s'organisent de plus en plus au cours du temps. D'abord les quarks, puis les nucléons, les noyaux, les atomes, et ainsi de suite jusqu'au vivant. Il ne dit rien, prudemment, sur ce qui pourrait se produire ensuite. Mais clairement, à l'entendre, il y a un sens du progrès depuis l'émergence de la matière il y a 13 milliards d'années.

Ce n'est pas si surprenant, et il n'est pas le premier scientifique à développer ce genre d'idées (on lira par exemple le très intéressant article de Richard Delisle dans Les Dossiers de La Recherche « L'héritage Darwin »). Mais était-ce vraiment nécessaire? Yves Coppens n'outrepasse-t-il pas sa position de scientifique en assénant sa vision du cosmos sans donner d'éléments pour en débattre, comme si elle faisait consensus parmi ses confrères ?

Luc Allemand