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20 janvier 2011 | 

Road Movies scientifiques

Blog aline 
La Recherche
est associée à la série de films documentaires J’ai marché sur la terre, imaginés par Aline Richard, directrice de la rédaction du magazine et Mathieu Vidard, animateur de l’émission quotidienne de France Inter La tête au carré, présentés par ce dernier, produits par Bonne Compagnie, réalisés par Bruno Victor-Pujebet et Stéphane Jacques, et, last but not least, diffusés chaque dimanche après-midi dans la séquence « Grandeurs nature » sur France 2.

Le 30 janvier sera proposé le quatrième épisode, consacré à l’Indonésie, de ce Road Movie scientifique. C’est bien le terme qui convient pour définir ces 52 minutes de superbes images et de scénarii finement pensés, avec, en voix off, un récit à la fois simple, très accessible, et soucieux de dépasser le genre traditionnel du film Nature/animalier. Le parti pris est l’exploration de la planète à travers ceux qui travaillent à sa connaissance, les chercheurs saisis sur leur terrain, dans leurs pratiques. Cela donne une idée intéressante et vivante de la science en acte. Les personnes et les acteurs, qui désertent souvent les films Nature/animalier, confèrent ici un supplément d’âme tout à fait bienvenu. Une autre conséquence de ce parti pris réside dans la compréhension des implications sociales, humaines, voire politiques des recherches menées in situ, notamment sur les communautés fragiles qui peuplent l’immense archipel indonésien. Donner une existence à ces dernières, questionner le cadre naturel, physique, climatique de leur vie de tous les jours, c’est aborder nécessairement les raisons de leurs destins actuels. Le spectateur est ainsi convié à s’interroger lui-même sur les horizons les plus lointains de la recherche, et les plus essentiels en même temps, quand le savoir construit et montré se dresse contre les logiques de disparition, de destruction même.

Ces quelques réflexions procèdent de l'expérience d’un visionnage en avant-première, hier soir à Paris, de ce quatrième épisode, en attendant de le revoir le 30 janvier dans « Grandeurs nature ». Du beau travail donc, non pas tant qu’il émane de La Recherche (le contraire aurait quand même étonné !) mais surtout parce que la dimension sociale et humaine de la recherche de terrain est superbement restituée. On sort du film pénétré de la détermination de ces scientifiques de terrain explorant des mondes menacés, souvent par l’homme lui-même. Une double prise de conscience, salutaire et nécessaire.

Vincent Duclert

La photographie qui illustre ce « post » est présentée sur le site du photographe Philippe Fouchard ; lui-même consacre un billet à l’épisode indonésien de J’ai marché sur la terre.

http://fouchardphotographe.travelblog.fr/676736/Documentaire-J-ai-marche-sur-la-terre-en-Indonesie/

 

19 janvier 2011 | 

Menace sur Apollo

Blog geluck 
Philippe Geluck est l’auteur de la célèbre série Le Chat ? On sait moins, mais on le saura bientôt, qu’il est scénariste des aventures de Scott Leblanc et qu’il en signe avec le dessinateur Christophe de Viguerie, alias Devig, le deuxième volet, Menace sur Apollo (Casterman, 48 p., 12 €). Le style graphique évoque éminemment la ligne claire des années 1960, et les aventures de Scott Leblanc, reporter au magazine Bien vu pour la rubrique « Des animaux et des stars », rappellent bien des personnages de la BD belge à commencer par Tintin et Milou. L’album est dédié « à tous les amis des animaux et de la conquête spatiale ». Arrivé aux Etats-Unis, à Orlando en Floride, pour recevoir un prix de l’association de patronage « State of Florida’s Office for Animals », Scott Leblanc est aussi chargé de recevoir le professeur Moleskine qui rejoint la Nasa et le centre d’essais spatial de Cap Canaveral. Lui-même a été enrôlé par l’Agence pour réaliser un reportage sur la participation animale à la conquête spatiale. Reçus avec les plus grands honneurs par les savants sur place, dont l’ancien nazi Von Blick devenu patron des vols de la Nasa, Leblanc et Moleskine apprennent que leur présence ici « est très stimulante ». Von Blick, déclare même : « Le dessinateur belge Hergé a publié "On a marché sur la Lune". Nous allons en faire une réalité ». Un terrible accident cause la mort de trois astronautes américains. C’est la fin de la mission Apollo 1, mais le début d’une enquête de l’improbable duo, associé à un petit chien comme il se doit, une enquête pleine de rebondissements au milieu des soucoupes volantes allemandes nazies dans le ciel de la Floride. Un excellent moment de lecture et de découverte des planches de Devig, en compagnie de l’humour permanent de Geluck. Et cela ne fait que commencer ! Huit albums sont d’ores et déjà annoncés.

Vincent Duclert

 

17 janvier 2011 | 

Matériau du rêve

Blog ol 
L’Institut Mémoires de l’édition contemporaine * conserve et valorise, entre Paris et Caen, les archives des écrivains, des chercheurs, et celles des éditeurs auxquelles il donne vie. De différentes manières. En interrogeant par exemple ceux ou celles qui les ont produites, dans de petits livres imaginés par Nathalie Léger, directrice adjointe de l’IMEC, réunis dans une même collection, « Le Lieu de l’archive ». Il s’agit d’explorer le rapport que des chercheurs ou des artistes ou des intellectuels entretiennent avec l’archive : « comment envisager le passé de son propre travail, quelle en est la matière, quels en sont les objets, quelle est la part de l’effacement et de la destruction, comment commencer avec ce qui reste ? [...] Quelque chose a eu lieu qui vient s’inscrire, avec toute la force de sa présence, dans l’ordre de la pensée ».

Maurice Olender, spécialiste des savoirs religieux et de la genèse des sciences humaines, mais aussi créateur et directeur de la « Librairie du XXIe siècle » et de la revue « Le Genre humain » toutes deux éditées au Seuil, publie aujourd’hui, dans cette précieuse série, son Matériau du rêve (64 p.). A travers l’évocation de ses archives, il révèle une part cachée et pourtant décisive de son travail croisé de chercheur et d’éditeur. Maurice Olender a beaucoup réfléchi aux archives, continue d’y penser. Les siennes qu’il a déposées à l’IMEC, celles de ses auteurs, celles du Seuil. Et pourtant il ne cesse de s’interroger avec elles. « Si nous pouvons avoir une telle passion pour les archives, qui sont d’abord et avant tout nos constructions imaginaires les plus matérielles, n’est-pas aussi parce que ces archives sont porteuses d’échappées vers l’avenir ? Et si les archives portaient en elles le secret d’une dette infinie ? »

Vincent Duclert  

* http://www.imec-archives.com/ 

Photo Lydia Flem

14 janvier 2011 | 

Chercheurs scientifiques critiques

Blog mille 
Trois membres de la Fondation « Sciences citoyennes » dont le biologiste Jacques Testard qui la préside, publient aux éditions Mille et une nuits un ouvrage d’alerte. Les chapitres qui le composent sont issus des dialogues « Sciences-Planète » qui ont été organisés à Paris entre octobre et décembre 2007. Voici comment le texte liminaire de l’ouvrage présente cette initiative, base de Labo planète, Ou comment 2030 se prépare sans les citoyens (175 p., 10 €) : « Sciences citoyennes fait un double pari. Le premier est de réunir des chercheurs scientifiques critiques et des "profanes" engagés dans des luttes (sociales, médicales, environnementales) où ils rencontrent - voire contestent – la technoscience dominante et l’expertise officielle. Le second est d’unir, dans une réflexion et une action transversale de "politisation" de la science et de l’expertise, des acteurs impliqués dans des secteurs souvent compartimentés (agriculture, énergie, bio-médical, santé environnementale, NTIC, brevetage…).

Trois axes de travail sont au cœur de son engagement : 1. l’accroissement des capacités de recherche et d’expertise de la société civile, des forces associatives, consuméristes, syndicales et citoyennes (création d’un tiers secteur scientifique) ; 2. la stimulation de la liberté d’expression et de débat dans le monde scientifique ; 3. la promotion de l’élaboration démocratique des choix scientifiques et techniques. » *

Le petit livre issu des travaux de « Sciences citoyennes » rend compte de la vitalité de ces questionnements, des formes d’engagements de ces chercheurs, et du choix heuristique de faire de la planète et des sociétés des laboratoires critiques de la science - contrainte alors de penser ses erreurs autant que ses avancées.

Vincent Duclert

 

12 janvier 2011 | 

Pas de conservation sans « sauvageté »

Blog delord 
Ingénieur de l’Agro, écologue, docteur en histoire et philosophie des sciences, Julien Delord est actuellement maître de conférences à l’université de Bretagne occidentale (Brest). Il vient de publier L’extinction d’espèce, Histoire d’un concept et enjeux éthiques (Publications scientifiques du Muséum, 2010, 691 p., 45 €). On connaît la qualité de cet éditeur universitaire. Ainsi, Jean-Marc Drouin est l’« editor » (malencontreusement traduit par « rédacteur ») de l’ouvrage - formules malheureuses mais gage de qualité : c’est admirablement illustré et composé (sur du beau papier - non démagogiquement recyclé). Le plan du livre est classique, en trois parties : histoire du concept d’extinction, aspects scientifiques et philosophiques de la question et réflexion sur sa dimension éthique. Et ce classissisme est paradoxal car ce livre est, curieusement, le premier du genre, d’une part parce qu’il est porteur de l’idée forte selon laquelle la question de la responsabilité des sociétés humaines face aux extinctions doit être traitée sous l’angle exigeant de la réflexion éthique (et non sur le mode de l’incantation culpabilisatrice, ou du catalogue déploré des espèces disparues ou menacées). D’autre part parce qu’il est impressionnant par son exhaustivité : l’auteur met ainsi au jour les « origines de l’idée d’extinction au paléolithique » pour aboutir à ce que nous constatons aujourd’hui. L’ensemble étant constamment hanté par ce que la philosophie peut nous enseigner en matière d’extinctions d’espèces. Ainsi de l’idée de « lutte pour la vie » chez Nietzsche et Darwin : les « faibles » chez Nietszche, sont – selon l’auteur -les « forts » chez Darwin. Du même coup, la prise de parti philosophique pour l’un ou pour l’autre induira des regards bien différents sur l’idée de « conservation », par exemple.

Il y a quelques années Julien Delord a réintroduit le mot d’ancien français « sauvageté » pour rendre l’idée du caractère à la fois sauvage et libre de cette « nature » que les américains nomment « wilderness ». Il ne s’agit évidemment pas d’une coquetterie de langage. Delord fait de ce mot un concept, opératoire pour dépasser l’antagonisme classique anthropocentrisme-écocentrisme : « Pas d’espèces sans extinctions. Pas de conservation sans sauvageté ».

Pascal Acot

10 janvier 2011 | 

Le musée, une institution dépassée ?

Alors que le projet décidé par Nicolas Sarkozy de « Maison de l’Histoire de France » et son installation aux Archives nationales à Paris rencontrent de sérieuses difficultés, notamment pour la constitution du futur « conseil scientifique », les éditions Armand Colin proposent plusieurs ouvrages parus ou à paraître sur le sujet.

Blog gob 
Le spécialiste de gestion et management des musées Jean-Michel Tobelem réédite dans la collection « Sociétales » son Nouvel âge des musées paru pour la première fois en 2005 et sous-titré « Les institutions culturelles au défi de la gestion » (317 p.), tandis qu’André Gob, professeur de muséologie à l’université de Liège, s’interroge : Le musée, une institution dépassée ? Publié dans la collection « Eléments de réponse », cet essai confronte la notion de « musée » qualifiée d’ « institution désintéressée au service de la société » avec sa mise en concurrence actuelle et sa rentabilisation nécessaire qui peuvent mener à sa disparition prochaine (159 p., 16,50 €). Enfin est annoncée pour le mois d’avril prochain une contre-enquête historienne sur la « Maison de l’Histoire de France », avec notamment comme co-auteurs Jean-Pierre Babelon, ancien directeur du Musée de Versailles, Ariane James-Sarazin, ancienne directrice du Musée de l’histoire de France aux Archives nationales, Isabelle Backouche, maîtresse de conférences à l’EHESS, ou Jean-Michel Tobelem. Si les musées sont contestés, au moins la réflexion qui les prend comme objet ne faiblit pas.

Vincent Duclert

 

05 janvier 2011 | 

Journal d'un SDF. Ethnofiction

Blog augé 
L’anthropologue Marc Augé publie au Seuil une troublante « ethnofiction », Journal d’un SDF (coll. « La librairie du XXIe siècle », 132 p., 13 €). Il s'attache à l’émergence d’une nouvelle catégorie de pauvres, ceux et celles qui possèdent un emploi mais qui ont des revenus insuffisants pour se loger et qui sont contraints alors de vivre dans leur voiture ou chez des amis. Certaines municipalités les désignent par le sigle « SDS », « Sans domicile fixe », une formule, explique le chercheur, « censée les distinguer des SDF à proprement parler ». En imaginant le parcours de l’un de ces nouveaux errants, Marc Augé parvient, grâce à cette forme inédite d’enquête qu’est l’ « ethnofiction », à restituer la subjectivité nécessaire pour comprendre que le lieu est du lien, et que sa perte affecte profondément l’être profond des personnes et leur rapport au monde. Un livre profond et nécessaire, alors que les loyers et le prix des habitations viennent encore d’enregistrer en France des hausses considérables, condamnant une population à ne plus pouvoir accéder à un lieu, à un foyer possible, tandis qu'aux Etats-Unis se poursuivent les expulsions de famille incapables d'acquitter les surprimes de leurs emprunts.

Vincent Duclert

 

01 janvier 2011 | 

Année 2011, année des livres

Le Blog des Livres adresse à ses lecteurs, aux auteurs des livres qui traversent ces pages, aux éditeurs, aux attachés de presse, aux libraires, bref à tous ceux qui font que le livre existe et vit,

tous ses souhaits de très bonne année 2011.

 

Blog enfants 
Et s’il fallait parler en ce premier jour d’un livre ce serait celui du psychanalyste et psychiatre Daniel Oppenheim, médecin pendant 24 ans à l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy, et auteur il y a quelques semaines d’une étude sur les enfants malades. « Leurs histoires n’en font pas des modèles exemplaires, explique-t-il, mais prouvent qu’il est possible de traverser de telles épreuves sans s’y perdre, en restant au contraire soi-même, voire en se découvrant des espaces intérieurs et des capacités jusque-là inconnues. » Ce livre est aussi une démonstration du pouvoir d’un savoir, pouvoir thérapeutique, fragile, instable mais possible, de la psychanalyse (Là-bas, la vie. Des enfants face à la maladie, Le Seuil, 67 p., 17 €).

Vincent Duclert

31 décembre 2010 | 

Retour sur le XXe siècle

Blog judt 
Pour prendre congé de l’année 2010, ayons une pensée pour Tony Judt, cet universitaire britannique – mais installé aux Etats-Unis où il dirigea durant de nombreuses années l’Institut Erich-Maria Remarque de New York University –, mort le 6 août dernier à son domicile. Atteint de la maladie de Charcot, il lutta sans relâche, continuant d'écrire et de travailler du plus qu'il le pouvait. Les éditions Héloïse d’Ormesson ont pris l’heureuse initiative de faire traduire (par Pierre-Emmanuel Dauzat et Sylvie Taussig) et de publier au mois d’octobre le recueil que cet historien des idées politiques, des intellectuels et de la France, avait conçu en langue anglais deux ans auparavant. Ce livre, intitulé Retour sur le XXe siècle. Une histoire de la pensée contemporaine, et sous-titré Pour en finir avec l’ère de l’oubli, réunit des articles et des essais écrits entre 1994 et 2006 (624 p., 27 €). Deux préoccupations majeures ont guidé cet ensemble, comme l’expose Tony Judt dans l’introduction, « Le monde que nous avons perdu ». La première concerne le rôle des idées et la responsabilité des intellectuels, aux premiers rangs desquels Albert Camus qui fut l’un de ses sujets de recherche. La seconde s’intéressé à « la place de l’histoire récente dans une ère d’oubli : la difficulté que nous avons à dégager un sens du siècle qui vient de s’achever et à en tirer des leçons ». Tout effort pour le faire est une contribution à l’avenir commun, et constitue ainsi le legs le plus précieux du savant et intellectuel Tony Judt.

Vincent Duclert

27 décembre 2010 | 

Conte de Noël 2010

Blog hessel 
Le succès – plus de 300 000 exemplaires en deux mois - du court essai de Stéphane Hessel, ambassadeur de France, ancien résistant au nazisme et déporté à Buchenwald, militant des droits de l’homme et du citoyen, figure parmi les très bonnes nouvelles de cette fin d’année. Parce qu’il honore l’engagement d’un homme dans l’histoire et les raisons qu’il en livre ici et maintenant. Parce qu’il distingue deux éditeurs, Jean-Pierre Barou et Sylvie Grossman, la petite maison d’édition qu’ils ont cofondée à Montpellier *, et la collection qu’ils viennent de créer, « Ceux qui marchent contre le vent », un nom emprunté aux Omahas, un peuple indien des plaines d’Amérique du Nord. Parce qu’il témoigne de la résistance du livre et des libraires qui se battent chaque jour pour lui. Se présentant sous l’aspect d’une brochure, d’un fascicule, Indignez-vous ! se révèle au toucher, au regard et à l’usage comme un vrai livre, à la mise en page soignée et au texte très édité. C’est « une pépite », n’hésitent pas à écrire légitimement Les Echos dans leur livraison du 23 décembre (Nathalie Silbert). C’est en tout cas la preuve que le courage intellectuel et les risques professionnels peuvent déboucher sur de belles réussites, la rencontre d’une pensée et d’un public par le biais d’un objet vivant, accessible pour 3 euros seulement. Le rêve de tout éditeur !

Vincent Duclert

* « Indigène est une maison d’édition dédiée aux savoirs et aux arts non industrielles des Premières Nations – Aborigènes d’Australie, Indiens d’Amérique, Tibétains, Inuit, Maoris… - sans oublier les "Indigènes" de nos propres sociétés, ces pionniers, chez nous, qui entendent rompre avec les logiques mercantiles, protectionnistes, standardisées, tout en dégageant de nouveaux pôles d’autorité intellectuelle et de viabilité économique. »