Séquence BD. Féroces tropiques
Le dessinateur Joe Pinelli et le scénariste Thierry Bellefroid se sont associés pour une libre adaptation de l’existence tourmentée, projetée aux quatre coins du monde et du XXe siècle des extrêmes, du peintre allemand Heinz von Furlau. Moins célèbre que son contemporain Otto Dix, il n’en évoque pas moins la descente aux enfers d’une Allemagne dominée par l’obsession militaire, raciale et bientôt guerrière.
Depuis quinze ans, des spécialistes ont entrepris
de réunir ses travaux pour le faire mieux connaître, et un petit musée a même
été ouvert récemment à Berlin. Il est vrai que le destin d’Heinz von Furlau ne
manque pas de fasciner, et particulièrement les auteurs de Féroces tropiques (Dupuis, Aire libre, 80 p., 15,50 €). Peintre de
marine, il est affecté à l’automne 1913 sur le Kaiserin Augusta IV en route vers les possessions impériales de
Nouvelle-Guinée, dans le Pacifique. Il découvre la discipline implacable de la
flotte allemande et les objectifs coloniaux déguisés sous le prétexte d’une
mission océanographique. Lors d’un débarquement, il protège une jeune indigène
du viol et du meurtre des matelots, et elle-même va le sauver lorsqu’il se retrouve prisonnier de la tribu papoue. Il
est finalement libéré par l’armée néerlandaise qui convoite elle aussi la
Nouvelle Guinée. Renvoyé en Europe en pleine guerre mondiale, l’artiste connaît
l’enfer de la Somme auquel il parvient à survivre. Il assiste aux insurrections
spartakistes à Berlin mais n’a qu’une seule hâte, rejoindre la tribu qui lui a
fait voir une autre humanité. Mais le temps ne s’est pas arrêté. Si le sujet
est aussi troublant que passionnant, l’album est déconcertant, moins pour
le dessin qui restitue finalement cette époque destructrice et meurtrière que pour
le texte, qui repose sur une succession d’aphorismes presque inintelligibles
(pour les cartésiens que nous sommes). Last but not least, Furlau s'avère sorti tout droit de l'imagination des deux auteurs même si la postface accrédite l'idée de sa véracité.
V.D.
You can follow this conversation by subscribing to the comment feed for this post.