Paroles libres
En complément ou en introduction au documentaire passionnant et vertigineux consacré à Mikhaïl Khodorkovski, sorti en salle le 9 novembre dernier, rappelons que Paroles libres du prisonnier politique le plus célèbre de la Russie est disponible depuis le mois de septembre aux éditions Fayard (traduit du russe par Galia Ackerman, 310 p., 20 €). La préface d’Hélène Despic-Popovic, ancienne correspondante de Libération à Moscou, dresse un portrait réussi de ce jeune oligarque qui a profité des années Elstine à partir de 1991 pour hisser ses sociétés – et la plus célèbre, Ioukos – au sommet de l’économie mondiale et qui est arrêté le 25 octobre 2003 par la police aux ordres du nouveau maître du Kremlin, Vladimir Poutine, arrivé à la tête de l’Etat russe depuis 2000. Depuis, Mikhaïl Khodorkovski est l’ennemi public n°1 en Russie, et tous ceux qui ont travaillé avec lui sont persécutés, de Platon Lébédev à Vassili Aleksanian et Svetlana Bakhmina. Son crime : avoir voulu intervenir dans les affaires du pays, moins en homme politique qu’il ne prétendait pas être qu’en intellectuel critique du système poutinien et soucieux de la démocratisation de la société russe, autant de convictions inacceptables aux yeux du pouvoir autoritaire du Kremlin. L’acharnement de ce dernier n’a eu d’égal que la détermination de Mikhaïl Khodorkovski de résister et, plus encore, de devenir un porte-parole des libertés emprisonnées. Comme naguère les dissidents à la dictature soviétique, il utilise les arènes de ses nombreux procès pour affirmer sa volonté d’une Russie libre. Paroles libres réunit ces textes et d’autres, entretiens, articles, dialogues. Mikhaïl Khodorkovski s’est métamorphosé en une personnalité morale de premier plan, faisant face à son destin avec un remarquable courage, incarnant l’histoire de la Russie dans ce qu’elle a de plus sombre et de plus éclatante en même temps. Il est bon de le savoir et Paroles libres rend justice de cette résistance de tous les instants, au fond des geôles de la Russie privée de liberté.
Vincent Duclert
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