Croisant hier dès potron-minet mon collègue Hamit Bozarslan, nous avons constaté tous les deux qu’il était très rare qu’un film français consacre une bonne partie de sa bande son… à la langue kurde. C’est le cas avec celui, courageux et réussi, de Philippe Lioret, Welcome, sorti en salles le 11 mars.

L’acteur Firat Ayverdi joue le rôle d’un jeune Kurde qui finit à Calais, rêvant de traverser la Manche pour retrouver sa belle, finalement mariée de force à un cousin à Londres. Il vient comme elle du Kudistan irakien, il a traversé la Turquie où les soldats turcs l’ont torturé. Il découvre la France, sa politique d’immigration qui renvoie aux oubliettes la nation des droits de l’homme et de la tradition d’asile, la solidarité aussi de sa société à travers le destin d’un maître nageur joué, de manière très convaincante, par Vincent Lindon.

Avec Hamit Bozarslan, j’étais en bonne compagnie. Il vient de publier aux éditions Autrement, dans la collection « Monde et nations », une remarquable synthèse sur Conflit kurde (176 p., 17 €) appuyée sur ses travaux de chercheur incontesté pour la violence au Moyen-Orient. Le sous-titre, « Le brasier oublié du Moyen-Orient », rappelle le devoir des savants de sortir de l’oubli, par la connaissance et sa médiation éditoriale de qualité, ces guerres sans nom qu’en Turquie, le grand romancier Yachar Kemal a qualifiées de « guerre de trente ans ».

Vincent Duclert