House ou Sherlock Holmes médecin
Créée en 2004 par les Studios Universal, la série ne répète pas simplement les péripéties hospitalières habituelles mais propose un regard sur la recherche et la médecine avec un style narratif très original.
« Sur le plan le plus extérieur, mêmes traits saillants communs : même adresse, le désormais mythique 221 B, même faire-valoir en la personne du docteur James Wilson, doublure et écho phonétique du docteur James Watson, qui semble être le seul ami du grand homme ; même addiction aux narcotiques, le docteur House préférant la Vicodine à la cocaïne, même s’il essaie aussi, à l’occasion, à la drogue préférée du détective, sous le regard courroucé et compatissant de Wilson. Même méfiance à l’égard du féminin, même manque de tact généralisé, même arrogance, même cynisme, même tendance agaçante à avoir toujours raison. Même prédilection pour l’effraction : House s’empresse de s’introduire chez les patients aussi souvent que nécessaire, censément pour découvrir les indices manquants, plus probablement comme indice de la reddition totale, inconditionnelle, qui est exigée du patient/client. Même recours constant et alternatif à la musique, qui vient pallier le manque de mots tandis que House n’a pas encore réussi à identifier la maladie. Surtout, même structure narrative : même schéma épisodique et répétitif, où chaque épisode retrace « un cas », qui se déroule invariablement de la même manière, exposé détaillé du cas du patient, incompréhension totale des médecins « institutionnels », recours quasi-désespéré à celui qui, exactement comme Holmes, représente « la dernière, la plus haute Cour d’Appel », mise en place de théories multiples, de diagnostics alternatifs qui étendent le champ des possibles, et réduction finale du multiple à l’unique par House, qui identifie le cas, et ordonne les symptômes variés, apparemment non reliés, en une chaîne causale parfaite. Une fois le cas résolu, même désinvestissement affectif, même retour compensatoire à la drogue » (Nathalie Jaëck, Les Aventures de Sherlock Holmes : une affaire d’identité, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, pp. 15-16).
La perspective proposée n’enlève rien à l’originalité de la série télévisée mais au contraire la relie à des formes classiques du feuilleton. Elle donne aussi envie avec Nathalie Jaëck comme guide de replonger dans les aventures de Sherlock Holmes.
Alain Chatriot
Rédigé par : Thierry Saint-Joanis | 26 février 2009 à 11:07
Depuis une quinzaine d'années, les thèses sur Holmes et son auteur fleurissent dans nos universités. Malheureusement, la qualité n'est jamais au rendez-vous et là où un amateur non-averti en matière holmésienne (comme le sont les enseignants chargés de valider ces thèses) va être bluffé (l'originalité du sujet assurant souvent le succès de l'étudiant), l'holmésien, nourri aux études anglo-saxonnes sur Conan Doyle et son oeuvre, sera déçu, voire choqué.
Il suffit bien souvent de compulser la liste des sources pour voir venir la catastrophe :
- les textes étudiés sont de mauvaises traductions françaises (et pour ce qui nous concerne, les traductions sont une mine d'erreurs inimaginable tant elles s'éloignent du texte de Conan Doyle dans la forme, mais surtout dans le fond), ou, parfois, une édition en anglais, mais malheureusement américaine (qui comporte, comme l'holmésien le sait, de nombreuses différences par rapport à l'originale anglaise officielle) ;
- les études citées sont celles écrites en français par d'autres universitaires ou quelques auteurs plus ou moins spécialistes du sujet (il suffit souvent d'avoir publié un livre sur un sujet pour en devenir un spécialiste comme si, dans chaque maison d'édition, il y avait un "spécialiste en chef" de tous les sujets, capable de décerner un label de qualité et de créer par son simple choix éditorial un ouvrage "de référence") ;
- jamais, ou rarement, d'études anglo-saxonnes alors qu'il en existe des centaines qui font référence, elles, publiées depuis 1934, au moins, disponibles d'un seul clic sur Amazon, par exemple ;
- et parfois, comble de l'ironie, des références à telle ou telle adaptation cinématographique ou télévisuelle qui aura bercé la jeunesse de l'auteur.
Bref, les thèses sur Holmes et Conan Doyle jusqu'à ce jour nées dans nos universités sont malheureusement tout juste "scolaires" et se verraient refuser par n'importe quel rédacteur en chef de revue d'une société holmésienne (où l'on trouvera d'excellente études comparatives entre l'univers holmésien et celui de notre cher docteur House).
Ceci étant dit, voici mon conseil : lisez Sherlock Holmes dans sa version originale officielle (édition Oxford, par exemple), puis suivez les aventures de House (en anglais sous-titré, ce serait mieux), et vous serez bien mieux armé pour comparer les deux univers (et y dénicher les nombreuses références holmésiennes chez House) qu'en lisant tous nos universitaires "holmésiens amateurs" qui illustrent un fait (une évidence !) en usant d'arguments (pris n'importe où, sans tendre à l'exhaustif) qui font illusion devant ceux qui en savent moins qu'eux, alors que les voies de la connaissance sont largement ouvertes à tous et qu'aucun obstacle ne viendra les interdire si l'on part confiant et bien équipé (avec des ouvrages de références anglo-saxons, par exemple).
Ah, une dernière chose : pour écrire une thèse sur des personnages de la littérature et de l'audiovisuel anglo-saxon, il faut lire et entendre l'anglais. C'est élémentaire ! Eh bien, même nos universitaires "en matières anglo-saxonnes" ne fondent pas leur thèse sur des sources "en anglais", et leur préfèrent des documents en français (traduits ou composés à partir de traductions).
Appelons donc tous à un retour salvateur aux sources !
C'est cette méthode que Sherlock Holmes et House ont en commun.
Trouvez la source du problème et vous aurez la solution, le coupable ou le remède.
lol
Thierry Saint-Joanis,
holmésien, mais aussi journaliste d'investigation, ancien enseignant des méthodes d'investigation au Centre de formation des journalistes ("Les sources, Watson/Wilson, les sources !").
Rédigé par : Alain Chatriot | 24 février 2009 à 18:17
La rigueur est bien sûr nécessaire et la rectification évite ainsi une difficile enquête. Pour le reste, ne souhaitant pas prendre partie dans une joute holmesienne, on indiquera juste que l'auteur du livre a soutenu une thèse de doctorat à l'Université Bordeaux 3 en études anglaises en 1997 intitulée Types et archétypes dans les histoires de Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle.
Rédigé par : Thierry Saint-Joanis | 23 février 2009 à 20:27
Le docteur Watson se prénomme... John et pas James (il n'y a que son épouse qui l'appelle James). C'est une des nombreuses erreurs de l'auteur dans son ouvrage ici cité. Les arguments démontrant la filiation House-Holmes tirés de cet ouvrage sont donc à prendre avec des pincettes. Il n'en reste pas moins que cette théorie est juste. La série House utilise volontairement les fondements de l'univers holmésien. House, c'est Holmes, et les scénaristes l'ont toujours reconnu. Ce sont des holmésiens qui parlent aux holmésiens. Ils ont su mettre ici et là des éléments, des indices qui attirent l'attention et ravissent les spécialistes de l'oeuvre de Conan Doyle. Dommage que Madame Jaëck n'ait pas su les trouver pour mieux illustrer son parallèle. Sa conclusion est juste, mais les éléments qui l'y conduisent ne sont pas les bons ou les meilleurs.
Mais, une fois de plus, au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
Thierry Saint-Joanis, président fondateur de la Société Sherlock Holmes de France, membre des Baker Street Irregulars de New York (M. Bertillon), etc.