Des épidémies et des hommes
Comment, dans un musée, tenir un propos « grand public » sur les sciences et leurs enjeux sociaux et politiques ? C’est depuis des années la mission fixée à la Cité des sciences et de l’industrie, qui a choisi d’y répondre, le plus souvent, par l’interactivité de ses expositions, le primat du multimédia sur l’objet de musée – dans une institution muséale dépourvue de collections – et l’accent mis sur le très contemporain.
Pourtant, la naissance de la Cité s’était accompagnée de la création en son sein d’un centre de recherche en histoire des sciences et des techniques, soulignant la dimension réflexive et la profondeur de champ historique dans lesquelles il importe d’enraciner la compréhension des savoirs scientifiques et de leur place dans les sociétés modernes complexes. L’exposition en cours, intitulée « Epidemik, l’exposition contagieuse » et consacrée à l’impact que les épidémies, dans toutes leurs manifestations, exercent sur les populations humaines, tente de tenir les deux bouts de la chaîne, entre approche ludique et sciences sociales. Le traitement muséographique associe un jeu de simulation collectif proposant au visiteur de se confronter virtuellement à cinq scénarios de crise épidémique (peste, grippe, paludisme, chikungunya, sida) et, en même temps, un effort analytique de lecture historique et sociologique, fondé notamment sur la présentation d’archives audiovisuelles. Ainsi la direction scientifique de l’exposition a été confiée à un historien de la santé, Patrick Zylberman, et à un épidémiologiste, Antoine Flahault, qui ont dirigé un ouvrage collectif, à la manière d’un catalogue d’exposition riche de 140 photographies. Ce livre, Des épidémies et des hommes (La Martinière, 238 p., 29 €), réunissant une dizaine d’auteurs de différents horizons, témoigne de ce parti pris de recours aux sciences humaines pour la compréhension d’un avenir délibérément ancré dans le passé qui lui fournit des clés explicatives. Il pose des questions intéressantes, même sans y apporter de réponses certaines, sur les fondements de la menace pandémique et des « tempêtes microbiennes » qui, du SRAS à la dengue, de la grippe aviaire aux formes récentes de tuberculose liée à la résistance aux antibiotiques font régulièrement la une de nos médias et sont (re)devenus une préoccupation prioritaire à l’agenda des politiques de santé publique.
Anne Rasmussen, Université de Strasbourg
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