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04 août 2008 |

La chasse aux enfants

Blog_chasse La tradition d’engagement des philosophes dans la défense des principes de démocratie a été reconnue classiquement, comme quand Georges Canguilhem rendit hommage à la résistance de Spinoza à l’ « Ultimi barbarorum » à La Haye en 1672 : « Spinoza a pris parti publiquement pour le droit à la liberté de penser. Ami de Jean de Witt, Grand pensionnaire de Hollande, dont il partageait les convictions républicaines, il a été le témoin de son assassinat par des émeutiers orangistes, à la Haye, en 1672, quand les armées de Louis XIV ont envahi la Hollande.

L’indignation et la douleur de Spinoza l’ont déterminé à sortir de son domicile pour apposer sur les murs de la ville un placard où il avait écrit : Ultimi barbarorum. On dit que son propriétaire dut user de violence pour le retenir. […] Cette philosophie vécue par le philosophe qui l’a pensée a imprimé à son auteur le ressort nécessaire pour s’insurger contre le fait accompli. D’un tel pouvoir de ressort, la philosophie doit rendre compte » (« Le cerveau et la pensée » [1980], in Georges Canguilhem. Philosophe, historien des sciences, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque du Collège international de philosophie », 1993, pp. 30-32). On s’intéressera alors, de nos jours, à la réflexion menée par Michel Benasayag et Angélique del Rey sur la politique d’expulsion des sans-papiers conduite en France et la résistance à son encontre du Réseau Education sans frontières (La chasse aux enfants. L’effet miroir de l’expulsion des sans-papiers, préface de Stéphane Hessel, La Découverte, coll. « Sur le vif », 2008, 128 p., 10 €). Mettant leurs pas dans ceux du poète espagnol Antonio Machado (« Caminante, no hay camino/el camino se hace al andar »), ces deux philosophes spécialistes des contre-pouvoirs réfléchissent aux formes de cet engagement qui dépasse les clivages sociaux ou politiques pour toucher à une universalité pratique : « Dans ce mode d'engagement sans promesse, on a profondément conscience que c’est en agissant sur le présent qu’on change les choses pour l’avenir : l’avenir n’existe qu’ici et maintenant. » Et plus tard, c’est trop tard.

Vincent Duclert, EHESS

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