Les années d’extermination
Professeur à l’université de Californie (UCLA), Saul Friedländer prononcera, vendredi, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, la prestigieuse Conférence Marc Bloch (sous l’égide de l’EHESS). Depuis quelques mois, la traduction (par Pierre-Emmanuel Dauzat) du second volume de L’Allemagne nazie et les Juifs est disponible aux éditions du Seuil : Les Années d’Extermination 1939-1945 (coll. « L’univers historique », 1033 p., 32 €). La somme, qui a été publiée l’année dernière aux Etats-Unis chez HarperCollins (et qui a été honoré du prix Pulitzer en 2008), établit et démontre les trois phases de l’extermination des juifs d’Europe, « Terreur, automne 1939-été 1941 », « Meurtre de masse, été 1941-été 1942 », « Shoah, été 1942-printemps 1945 ». Ce travail majeur se distingue de la première et indispensable recherche sur le sujet réalisée par un autre historien américain, Raul Hilberg (1926-2007), La Destruction des Juifs d’Europe (version française, en 1988, chez Fayard ; réédition chez Gallimard, coll. « Folio-histoire », 2006, 3 vol., 720, 896 et 832 p., 10 € chaque), par l’articulation entre l’analyse du processus bureaucratique de l’extermination nazie, l’examen du cadre idéologique imprégnant les acteurs et la connaissance des expériences de cet incommensurables par les Juifs d’Europe. C’est ainsi que, de la même manière que l’œuvre d’Hilberg, celle de Friedländer est exemplaire de la recherche en sciences humaines.
Vincent Duclert, EHESS
Abordant un des rouages méticuleusement exposés par Saul Friedländer, l’historien Christopher R. Browning a publié l’année dernière la traduction française des Origines de la solution finale sous-titrée : L’évolution de la politique antijuive des nazis septembre 1939-mars 1942 (Les Belles Lettres, coll. « Histoire », 640 p., 35 €). Il étudie dans cet ouvrage la genèse de la solution finale, à savoir la transformation de la politique raciale des nazis en mécanisme d’extermination d’un peuple. Et sa contribution s’inscrit dans un plus vaste programme, celui d’une histoire générale du génocide juif en plusieurs volumes conçue dans le cadre du mémorial Yad Vashem. V.D.
Sujet connexe mais d’une intensité historiographique forte, la question de la Résistance française et du sort des juifs est étudiée par la professeure de l’université Ben Gourion (Israël) Renée Poznanski. Déjà auteure d’une histoire des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale (Hachette, 1994, rééd. coll. « Pluriel », 2005), cette historienne et politiste signe une étude capitale, tant du point de vue de la méthode avec l’exploitation systématique de textes et témoignages jusque-là inconnus ou négligés que sur celui de l’apport des connaissances sur l’antisémitisme d’Etat et les ambiguïtés de la Résistance, quand bien même « revisiter ainsi d’un œil critique l’héroïsme de l’épopée résistante n’est pas chose aisée ». V.D.
You can follow this conversation by subscribing to the comment feed for this post.