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10 mars 2010 |

Sinistres clones

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Si vous suivez l'actualité scientifique, vous croyez sans doute que le premier clone de mammifère était une brebis, nommée Dolly, née en Ecosse en 1996. Je le pensais aussi. Mais nous nous trompions. Dès 1980, le Belge Victor Hoppe, alors à l'université d'Aix-la-Chapelle, en Allemagne, avait fait naître trois souris par clonage. Malheureusement, il ne réussit jamais à reproduire cette performance et, plutôt que de répondre aux questions d'une commission d'enquête de l'université, il préféra démissionner de son poste en 1984 pour se retirer dans son village natal de Wolfheim.

Bon, d'accord, il faut attendre la page 157 du Faiseur d'anges de Stefan Brijs (Héloïse d'Ormesson, 460 p., 2010, 23 €) pour apprendre cela. Mais franchement, on se doutait depuis le début que le Doktor Hoppe n'était pas très net. Lorsqu'il revient dans son village natal avec ses trois fils nouveau-nés, tout le monde s'interroge : où est la mère des enfants? Et pourquoi ne les voit-on jamais hors de la grande maison du Doktor? Seule Charlotte Maenhout, institutrice en retraite à qui il a demandé de les éduquer, peut vraiment les approcher. Et ce qu'elle découvre n'est pas pour la rassurer : ces vrais triplés, nés avec le bec de lièvre de leur père, ont certes des capacités intellectuelles hors du commun ; mais ils ont aussi une santé d'une fragilité inhabituelle, et semblent vieillir de façon accélérée. Victor Hoppe tente-t-il de les soigner d'un mal mystérieux, ou au contraire mène-t-il sur eux des expériences mystérieuses responsables de leur état?

L'atmosphère de ce récit le rapproche des romans gothiques. Villageois craintifs et superstitieux, religion (catholique) pesante et morbide. On oublierait facilement que le récit se déroule dans les années 1980, s'il n'y avait des autobus et des voitures dans les rues de Wolfheim. Il y a d'ailleurs du Victor Frankenstein dans Victor Hoppe : médecin génial, sa volonté de faire le bien se perverti lorsqu'il imagine qu'il peut égaler, voire surpasser Dieu. En voulant régler ses comptes avec ce dernier, il finira mal, non sans laisser derrière lui la possibilité de recommencer. Les lecteurs qui s'interrogeraient sur l'utilité de faire des lois en matière de bioéthique seront à n'en pas douter convaincus de leur nécessité après avoir refermé le livre.

Luc Allemand

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