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13 août 2008 |

Comment chatouiller un chimpanzé

Blog_chimpan Un journaliste de la revue anglaise New Scientist, des plus réputées en vulgarisation scientifique, Matt Walker, nous raconte la nature par l’énumération de multiples « curiosités » observées in situ ou révélées lors d’expériences de terrain ou de laboratoire (Comment chatouiller un chimpanzé et autres curiosités zoologiques, titre original : Moths that Drink Elephants’tears and Other Zoological [2006], traduit de l’anglais, Le Seuil, coll. « Sciences ouverte », Seuil, 2008, 169 p., 14 €). On y lit, entre autres, dans ce livre, que la langue du caméléon est dotée de cartilage, que l’espadon a des yeux chauffants qui lui confèrent une acuité visuelle remarquable, que certains oiseaux bégaient, que les hippopotames transpirent un liquide protecteur des rayons UV, que certaines méduses ont quatre cerveaux et soixante-quatre anus, ou que les femelles chimpanzés et gorilles préfèrent tenir leurs petits avec le bras gauche. Toutes ces curiosités sont décrites en quelques lignes chacune et en vrac (même si l’auteur a eu le soin de les classer en chapitres thématiques), ce qui donne à l’ouvrage une allure de « livre des records », qui nous étonne autant qu’il nous amuse. On peut néanmoins regretter une certaine absence de regard critique vis-à-vis de la littérature scientifique: les résultats décrits, du fait sans doute qu’ils proviennent de publications pointues dans des revues très spécialisées, sont présentés comme des faits non discutables, y compris certaines interprétations clairement finalistes (si des mammifères mangent leur placenta, c’est parce qu’ils contiennent des substances antidouleur qui aident la mère à retrouver le moral et accroissent l’instinct maternel..). La raison en est peut-être que, contrairement au délicieux ouvrage Le sexe et l’innovation (Langaney, Seuil 1987) qui raconte d’innombrables curiosités de la nature dans le domaine du sexe, Comment chatouiller un chimpanzé n’est pas l’œuvre d’un chercheur aguerri, mais d’un journaliste qui semble manquer de recul. Au lecteur donc de rester vigilant sur l’information rapportée. Ce livre a, quoi qu’il en soit, un grand intérêt, celui de regorger de résultats soigneusement référencés dans la bibliographie, ce qui permet de retrouver immédiatement les sources de chaque curiosité afin d’en savoir plus, et d’en vérifier la véracité. Une lecture somme toute plaisante si l’on reste critique, et, surtout, utile pour l’enseignement de la diversité du monde vivant. Et l’on peut, bien sûr, en tirer un message fondamental: on dénombre tant de curiosités que ce ne sont plus des curiosités, mais de simples illustrations d’une évolution qui n’est clairement pas finaliste.

Alicia Sanchez-Mazas, université de Genève

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