Connaissez-vous le journal Chaos, Solitons and Fractals ? Il est édité par la très sérieuse société néerlandaise Elsevier. Son « facteur d'impact », le nombre moyen de citations pour un article publié, était de 3,025 en 2007. C'est beaucoup moins que Nature (28,751), mais ce n'est pas si éloigné de Physical Review Letters (6,944), ou, pour citer un journal plus spécialisé, de Physical Review B (3,172). Il a été créé en 1991, avec le parrainage prestigieux du prix Nobel de chimie Ilya Prigogine, qui en signait le premier article. Bref, un honnête journal de spécialistes. Ou presque.

Si vous connaissiez Chaos, Solitons and Fractals, vous connaîtriez aussi Mohamed El Naschie, au moins de nom. C'est le rédacteur en chef du journal depuis sa création. Mais surtout, c'en est le principal contributeur : 322 articles au total dans les 17 dernières années, si j'en crois le décompte réalisé par le physicien américain John Baez (thecaseofmselnaschie.html).

Dans le numéro de décembre, qui contient 36 articles, 5 sont signés El Naschie, et 8 dans le numéro de novembre (qui en contient 39) (http://www.sciencedirect.com/science/journal/09600779). Il gonflerait d'ailleurs l'indice d'impact du journal en s'auto-citant abondamment.

Et ce n'est pas tout : si l'on en croit des spécialistes tels que John Baez, ou encore Peter Woit, il n'y a rien de très intéressant dans ces articles de M. El Naschie, si tant est que quelqu'un puisse y comprendre quelque chose.

Aux dernières nouvelles, rapportées par Nature (27 novembre 2008, p. 432), Elsevier pousserait ce rédacteur en chef indélicat vers la retraite. Mais une chose m'inquiète : si M. El Naschie a réussit à tromper son monde pendant aussi longtemps, combien d'autres exercent encore tranquillement leur art de pseudo-physiciens en toute impunité ? Et combien de journaux scientifiques contiennent-ils des articles sans intérêt, incompréhensibles et que personne ne prend la peine de lire ?

Luc Allemand