Réunis depuis 2003, de nombreux chercheurs en histoire, sociologie, anthropologie, économie et gestion ont publié le résultat de leurs travaux sur le travail, sa perception, son évolution. Observer le travail. Histoire, ethnographie, approches comparées (La Découverte, coll. « Recherches », 2008, 351 p., 29 €), dirigé notamment par Yves Cohen, Pierre Fournier ou Nicolas Hatzfeld, est un ouvrage très important, pour trois raisons au moins. Sa faculté d’abord d’avoir su synthétiser de multiples travaux, données et études produits dans des cadres institutionnels et scientifiques différents, pour en donner une compréhension structurée et précise. Sa capacité de l’autre d’avoir rassemblé une grande partie des chercheurs, jeunes et moins jeunes, venus de disciplines nombreuses, et travaillant sur le sujet. Sa volonté enfin de déplacer les regards vers les pratiques - essentielles pour le travail -, « d’aller observer des situations, des espaces, des mondes de travail. Et, une fois sur place, d’étudier les liens qui se tissent au cours des pratiques concrètes de travail et d’organisation [...]. Il s’agit ici de saisir et de comprendre ce que font les gens au travail, par eux-mêmes et entre eux » Cette recherche des liens se réalise aussi entre le domaine d’étude et les savoirs mobilisés pour ce travail. L’ouvrage prouve que des enquêtes de terrain peuvent déboucher non seulement sur une transformation de la connaissance scientifique mais aussi sur une interrogation des chercheurs sur leurs démarches – contribuant ainsi un véritable progrès des sciences sociales et humaines. L'expérience même, pour certains chercheurs comme Nicolas Hatzfeld, du travail ouvrier, et la notion d'expérience individuelle dans le travail de recherche, sont abordées avec beaucoup d'intelligence réflexive et d'humanité critique. Une réussite !
Vincent Duclert