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septembre 2008

16 septembre 2008

La modernisation de la France

Blog_fourasti « Trente glorieuses », « secteur tertiaire », « productivité » sont autant de notions que l’on doit en France à un économiste atypique Jean Fourastié. Cet ingénieur centralien, mais aussi élève de Science Po et docteur en droit, bien oublié aujourd’hui par les économistes, a été un des pédagogues de l’opinion publique au même titre qu’Alfred Sauvy pour la démographie. Dans un livre issu d’une brillante thèse (Jean Fourastié, un expert en productivité. La modernisation de la France années trente-années cinquante, Presses universitaires de Franche-Comté, 2008, 460 p., 26 €), l’historien Régis Boulat analyse la trajectoire de Fourastié mais loin de se limiter à une simple biographie, il propose une histoire de la modernisation de la France au milieu du XXe siècle autour de la notion de productivité. Il montre l’importance du Commissariat au Plan, des missions de productivité aux Etats-Unis et interroge ainsi le complexe processus d’américanisation. Les problématiques de l’histoire économique rencontre souvent dans ce livre celle de l’histoire des sciences sociales et tracent un portrait renouvelé de la France du début des années cinquante.

Alain Chatriot, CNRS

15 septembre 2008

L'invention de l'archéologie

Blog_milo Les archéologues sont-ils de bons personnages de fiction ? Leur travail sur la mémoire et l'imagination rejoint en tout cas celui des romanciers. Ces derniers inventent des personnages, des faits, des histoires. Les archéologues inventent des objets, c'est admis par tous, mais ils inventent aussi, plus ou moins, les hommes, les faits et les histoires qui leur sont associés. Par déférence, peut-être, pour les archéologues actuels, censés être plus rigoureux, les auteurs de deux récits parus en français cette année en ont situé l'action au XIXe siècle. Dans L'invention de la Vénus de Milo (Sabine Wespieser, 2008, 21€), Takis Théodoropoulos nous emmène en 1820 sur la petite île grecque qui a donné son nom à la fameuse statue manchotte. Dans La chute de Troie (Philippe Rey, 2008, 18€), Peter Ackroyd concentre son action en Asie Mineure, sur le site reconnu comme le théâtre des affrontements contés dans l'Illiade. Les héros de Théodoropoulos sont historiques, et pour certains, connus, tel Dumont d'Urville. Celui d'Ackroyd s'inspire évidemment de Schliemann, véritable découvreur de Troie. Tous ont en commun d'imaginer, plus que de découvrir. La statue représentait-elle seulement la déesse de la beauté? Sa main gauche, qui tenait (peut-être) la pomme de discorde, fut elle réellement entrevue, ou avait-elle disparu bien avant son enfouissement? Peu importe finalement, le plus important étant l'histoire que ses inventeurs imaginèrent pour elle. Et aussi qu'ils réussissent à se l'approprier, au détriment des Turcs. La ville est-elle bien celle de Priam, d'Hector et de Paris? Les parures celles d'Andromaque ou d'Hécube? Obermann fera en sorte que cela soit ainsi, quitte à détruire des preuves du contraire, voire à menacer la vie de ceux qui pourraient s'opposer à ses thèses. On voudrait croire que les archéologues d'aujourd'hui sont plus courtois.

Luc Allemand, La Recherche

12 septembre 2008

Paris dernier voyage

Blog_bertherat En collaboration avec la Mairie de Paris, les éditions La Découverte publient un beau livre de Christian Chevandier et Bruno Bertherat sur les Pompes funèbres parisiennes (199 p., 29,90 €) dont l’un des intérêts est d’étudier la véritable cathédrale industrielle qui hébergea, au 104 de la rue d’Aubervilliers, de 1874 à 1996, les services de cette illustre maison. Aujourd’hui, le « 104 » est destiné à devenir un des lieux de référence des arts dans la capitale.

Vincent Duclert

11 septembre 2008

Sociologie des marchés

Blog_u La collection U (comme Université) des éditions Armand Colin, bien connue des étudiants et des enseignants français depuis les années 1960, connaît une importante refonte pour cette rentrée. La transformation de sa maquette a pour but de faciliter la transmission des connaissances. C’est le pari de son directeur, le philosophe Jean-Christophe Tamisier, qui s’en explique dans un entretien sur http://www.armand-colin.com/actualite_article.php?a=46. Les sites des éditeurs, on le sait, tentent à se déployer fortement et à soutenir leur production tout en la valorisant. A la suite de l'entretien, on découvre un bref historique de la collection qui nous plonge dans la nostalgie. Parmi les nouveautés parues, signalons une Sociologie des marchés par Pierre François, du Centre de sociologie des organisations, CNRS (320 p., 28, 50 €), tandis qu'est annoncée une Planète océan.

Vincent Duclert

10 septembre 2008

Vassili Nesterenko

Blog_tschernobyl Sous la direction de Guillaume Grandazzi et Frédérick Lemarchand, les Silences de Tchernobyl (sous-titré l’avenir contaminé, Autrement, coll. « Mutations », 2004, 240 p., 19 €) avait donné longuement la parole à Vassili Nesterenko, célèbre physicien biélorusse chargé dans les années soixante de piloter un programme soviétique hautement stratégique (la création de mini-centrales nucléaires afin d’alimenter en énergie les missiles mobiles intercontinentaux) et, après l’accident de la centrale nucléaire ukrainienne le 26 avril 1986, artisan inlassable de l’évaluation des conséquences sur les populations. Il recueillit des données essentielles et lutta avec une grande détermination pour faire reconnaître l’ampleur de la catastrophe. Il sacrifia son confort de savant officiel à ce combat emblématique et s’épuisa, au milieu de grandes difficultés matérielles et politiques, à poursuivre son œuvre. Il est mort ce 25 août à Minsk et son nom, incontestablement, mérite de figurer à côté de celui d’Andreï Sakharov - avec lequel il créa l'Institut de radioprotection indépendant "Belrad".

Vincent Duclert

09 septembre 2008

La Révolution française n'est pas terminée

Blog_peillon Présenté comme un événement de la rentrée, La Révolution française n’est pas terminée (Le Seuil, 218 p., 16 €) du député socialiste européen et chercheur en philosophie Vincent Peillon fait converger trois genres : une enquête historiographique d’une part, largement inspirée des travaux de Jean-Fabien Spitz qui critique la manière dont la République est fréquemment réduite par les historiens et par tous ceux qui s’en réclament ; un récit historique d’autre part qui ambitionne de redonner toute sa richesse à la République en établissant son caractère à la fois libéral, social, fraternel, humanitaire, spirituel, laïc, bref une République très vivante et très présente ; d’où, en fil rouge qui traverse l’ouvrage, un essai politique pour dire que le renouvellement de la politique en France – et particulièrement la politique des socialistes – passerait par un réinvestissement dans la philosophie et dans l’histoire. Vincent Peillon va là à contre-courant des ébauches de rencontre entre politiques et intellectuels qui privilégient davantage les économistes et les sociologues que les historiens et les philosophes. Aussi faut-il comprendre le titre de la manière suivante : « la révolution politique n’est pas terminée »

Vincent Duclert, EHESS

08 septembre 2008

Dictionnaire de l'éducation

Blog_dic_ducation D’un dictionnaire des PUF à un autre, avec ce matin celui, consacré à l’éducation et que vient de diriger Agnès van Zanten, directrice de recherche au CNRS (coll. « Quadrige Dicos Poche », 736 p., 35 €). Le spectre est à la fois historicisé (le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson « publié à la fin du siècle dernier » ou plutôt à la fin de l’avant-dernier siècle car on a abordé le XXIe depuis quelques années), resserré sur les processus scolaires d’éducation, et élargi à mesure que la question de l’école a rayonné sur l’ensemble des problèmes sociaux. On va ainsi de la Psychologie de l’adolescence (Henri Lehalle) à la Taille des classes (Mathieu Valdenaire) en passant par les Sciences de l’éducation bien sûr (Jacqueline Gautherin) et son Histoire (Antoine Prost) suivie de son Historiographie (Philippe Savoie). On s’interrogera au final sur la capacité des Valeurs des jeunes (Bernard Roudet) et des Valeurs du système d’enseignement (Jean Houssaye) à résoudre le problème croissant de la Violence scolaire (Eric Debardieux et Catherine Blaya).

Vincent Duclert, EHESS

05 septembre 2008

CNRS, une pétition

Blog_mesure Le Dictionnaire des sciences humaines (sous la direction de Sylvie Mesure et Patrick Savidan, PUF, coll. « Quadrige Dicos Poche », 2006, 1328 p., 35 €) ne comprend d’entrées ni sur CNRS ni sur recherche scientifique. Heureusement, car il aurait été nécessaire d’y adjoindre un nouveau chapitre, guère réjouissant avec la démission exigée, le 1er septembre, de Marie-Françoise Courel, directrice du département SHS du CNRS. L'ensemble des directeurs-adjoints du Département a démissionné immédiatement à l'exception d'un seul. Une motion circule actuellement, qui s’oppose à de telles pratiques et apporte son soutien à la défunte direction scientifique. http://shscnrs.autonomie-recherche.org/

Vincent Duclert

04 septembre 2008

L'Institut des Hautes Etudes Scientifiques

Blog_dfricheurs L’Institut des Hautes Etudes Scientifiques fête son cinquantenaire. Une excellente raison pour cette institution de lancer une campagne internationale de dons et de sensibilisation, qui s’appuie également sur un bel ouvrage (Les déchiffreurs de Jean-François Dars, Anne Papillault et Annick Lesne, Belin, 208 p., 19,50 €) mettant en valeurs les hommes et femmes qui peuplent l’institut. Ceux qui ne pourront lire ce livre peuvent participer à la conférence grand public qui se tiendra au Musée du quai Branly, le mercredi 24 septembre 2008 de 14h à 19h, autour des mathématiques, de la physique théorique et de la biologie et avec, entre autres, Alain Connes et Thibault Damour. Inscriptions à l’adresse : http://www.ihes.fr/jsp/site/Portal.jsp

Henri Lemberg, classes préparatoires Paris

03 septembre 2008

Les glaces fondent, la mer monte

Blog_rtif_2 Une comète, grosse comme deux fois la Lune s’approchera un jour de la Terre et ne pouvant lutter contre son attraction se retrouvera satellisée. La Terre aura ainsi deux Lunes. Cette grosse Lune chaude fera fondre les glaces des pôles et celles du haut des montagnes. La mer montera et envahira toutes les Terres. En revanche, les pôles seront devenus habitables. La glace restante des pôles sera entreposée sous Terre pour que tout le monde puisse se rafraîchir et réactiver les sources d’eau potable. La Terre se transformera profondément : ses animaux, sa végétation, ses montagnes, sa géographie, ses hommes et surtout ses femmes qui auront de beaux muscles recouverts d’une fine peau et sûrement…de très jolis pieds. Car, en effet, cette histoire est signée Nicolas Rétif de La Bretonne. Les Lettres Posthumes, lettres reçues après la mort du Mari, par la Femme qui le croit à Florence…ou les Lettres de mon tombeau, (disponible sur Gallica) publié en 1802 sous le pseudonyme de Cazotte est un roman épistolaire aussi peu connu qu’étudié, un conte fantastique d’un écrivain vieillissant à l’imagination en délire et est semble-t-il la première fiction imaginant la fonte des glaces polaires et la montée de la mer. L’idée est très en avance pour l’époque, car même si Celsius avait fait les premières mesures du niveau de la mer dès 1731, peu de scientifiques faisaient le lien entre niveau de la mer et glace polaire. Même Buffon, qui a fortement inspiré Rétif, à l’affut de l’avancée des glaces polaires pour étayer sa théorie du refroidissement de la Terre, ne fait aucune allusion au niveau marin.

Frédérique Rémy, Equipe cryosphère, Observatoire Midi-Pyrénées