L’intelligence en réseau : think local, act local
En principe, il n’y a rien de plus pyramidal qu’un processus soumis à une négociation internationale. Pourtant la négociation sur le climat montre une réalité plus multiforme.Jusqu’à présent, les États disposaient, par les circuits de remontée des statistiques, la production d’expertise et l’évaluation ex post des politiques engagées, d’une vision panoramique des domaines comme l’énergie ou la prévention des risques et par conséquent d’une supériorité de compétence sur les niveaux territoriaux.
Mais le développement et la démocratisation des technologies de communication viennent bouleverser les systèmes hiérarchiques de production de savoir. Avec Internet et le développement de plateformes de partage de données et d’échanges de « bonnes pratiques », les acteurs de terrain, privés ou publics, disposent d’un accès instantané et gratuit à l’expertise.
La supériorité des niveaux d’intervention de l’Etat ou de l’Union Européenne ne réside plus guère que dans la capacité stratégique et les moyens financiers de commanditer rapports et études. Aussitôt les résultats de celles-ci publiés, leur diffusion par internet les rend accessibles à tous.
Par ailleurs, les acteurs de terrain disposent d’atouts majeurs car ils sont directement en prise avec les parties prenantes, peuvent identifier les obstacles rencontrés et articuler les instruments d’action pour les mettre en synergie : réglementation, concertation, formation, financement public, mobilisation des moyens privés.
De plus en plus, l’intelligence se développe au niveau local et en réseau, sur un mode transversal plutôt que hiérarchique. C’est d’ailleurs probablement là l’une des explications du fait que l’État rencontre de plus en plus de difficultés à obtenir l’adhésion à des décisions politiques unilatérales, sans concertation suffisante. La négociation climat est l’illustration parfaite d’un monde qui devient multi-niveaux.
A Copenhague et partout dans le monde, parallèlement à la négociation internationale dans le cadre des Nations-Unies, les villes et les régions sont fortement présentes et actives. Elles tissent entre elles des liens directs qui s’appuient sur des échanges techniques ou des mécanismes comme la coopération décentralisée, qui mobilise de plus en plus de transferts financiers Nord-Sud. Comme la lutte contre le changement climatique passe par une multitude de choix et d’investissements, engagés par les ménages, les entreprises et les collectivités publiques, le rôle du niveau territorial est déterminant.
Or, le risque le plus important dans la lutte contre le changement climatique, n’est pas tant que la négociation internationale n’aboutisse pas à la qualité du traité attendu, mais bien que la mise en œuvre ne suive pas. De ce point de vue, les rencontres d’élus et de collectivités jouent donc dans cette conférence un rôle déterminant.
L’une des questions posées à la recherche est de renouveler les cadres de modélisation prospective pour qu’ils puissent prendre en compte ces multiples niveaux et permettre des exercices de planification capables d’articuler plusieurs « nœuds » de gouvernance, politiques et territoriales.