Encore un effort pour être républicains !
L’été n’a pas été de tout repos pour la République et ses « fondamentaux », soumis aux fortes tensions venues de la politique dite « sécuritaire » du gouvernement. Avant la trêve estivale était paru l’essai de Cécile Laborde, Français, encore un effort pour être républicain ! (Le Seuil, 156 p., 13 €). Porté par l’un des directeurs de la « La République des idées » (mais non publié dans cette collection), ce petit livre est adapté de la recherche que cette politiste française –enseignant à l’université de Londres – a menée sur la question du voile islamique et qui a débouché sur un livre en 2008, Critical Republicanism. The Hijab Philosophy and Political Philosophy (Oxford University Press). Dans son essai, Cécile Laborde synthétise ce qu’elle entend par « républicanisme critique », à savoir l’affirmation et l’application d’un idéal de non-domination. Le passage qui suit en donne une claire illustration dans le contexte de la laïcité et de ses débats :
« La laïcité peut ainsi recouvrir deux idées assez différentes : d’une part, un principe égalitaire de séparation et de neutralité de l’Etat (un principe "neutraliste") ; et, d’autre part, un principe de promotion de la liberté comme émancipation de l’ "obscurantisme" religieux par la raison (un principe "laïciste"). Je qualifie ainsi de "laïcisme" une certaine tradition républicaine de méfiance vis-à-vis de la croyance religieuse – pour la distinguer d’une version plus "neutraliste" des visées de la séparation. Il s’agit, dans la première partie de ce livre, de comprendre comment l’interdiction du foulard musulman dans les écoles a pu être défendue par référence à un idéal d’émancipation laïciste, dont il convient de restituer l’épaisseur historique et les attendus sociologiques et philosophiques. Cet idéal laïciste a toutefois été soumis, dans le débat français, à une critique serrée, qui affirme que seuls la tolérance et le respect de la subjectivité des jeunes filles voilées sont compatibles avec la liberté républicaine. le débat entre laïcisme et tolérance, ainsi reconstruit, peut ensuite être dépassé par le républicanisme critique, qui tolère le foulard à l’école mais n’abandonne pas pour autant la lutte contre la domination. »
Le livre de Cécile Laborde démontre donc que la République a de l’avenir, qu’elle peut répondre aux grands défis sociaux et nationaux, à condition de mieux la connaître et de la penser davantage.
Vincent Duclert