Conte d'hiver
Bel objet que L'homme qui refusait de mourir (110 p., 29€). Les éditions Dis Voir le publient dans une collection intitulée « Contes illustrés pour adultes » (qui ne compte qu'un autre titre, paru l'an dernier et qui nous avait échappé). Il associe un auteur, Nicolas Ancion, un dessinateur Patrice Killoffer et, ce qui contribue pour nous à son intérêt, un scientifique, François Taddéi. Celui-ci exerce ordinairement son activité dans l'unité Génétique Moléculaire Evolutive et Médicale de l'INSERM. Ses travaux sur la très résistante bactérie Deinococcus radiodurans (qui, hasard du calendrier, fait l'objet d'un article dans le numéro de novembre 2010 de La Recherche) et sur le vieillissement ont à l'évidence nourri l'imagination de l'auteur. Autre hasard du calendrier, l'histoire évoque aussi l'une des avancées scientifiques de ces dernières années qui est au cœur du numéro de novembre des Dossiers de La Recherche : les microorganismes avec lesquels nous cohabitons et sans lesquels nous ne pourrions pas vivre.
Le style évoque La modification de Michel Butor, avec une adresse au lecteur à la deuxième personne (du singulier ici), comme s'il était le personnage principal dont il suit les aventures. Comme chez Butor, le héros va subir une modification au cours du récit, mais elle sera nettement plus désagréable. Disons, sans trop révéler l'intrigue, que la longévité de son arrière-grand-mère de 108 ans lui vaut bien des ennuis (elle finit mal, elle aussi, mais à cet âge, pouvait-il en être autrement ?). Certaines caractéristiques de la vieille dame et de ses descendants intéressent en effet des scientifiques sans scrupules décidés à trouver les clés de l'immortalité.
Tout est noir dans ce récit. Aussi noir que l'encre utilisée par Killoffer pour ses dessins. Les scientifiques sont tous dépourvus de conscience morale et ne reculent devant aucune violation de l'éthique pour réaliser leurs projets, meurtres y compris. La mort est la seule fin possible, et personne n'y échappe : telle pourrait être la morale de ce conte. Habilement, la dernière phrase renvoie toutefois chacun à ses convictions quant à la gravité de ce fait inéluctable.
Luc Allemand