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juin 2008

30 juin 2008

Plage ou philosophie ? Les deux !

Blog_philo Le cahier de vacances PHILO (Paris, CNRS Editions, 2008, 10 €) ne s’adresse pas qu’aux élèves de la classe de première souhaitant profiter de leur été pour se préparer au cours de philosophie de terminale, leurs parents pourront sans hésiter le leur emprunter et ainsi ne pas bronzer idiot. Les auteurs, Sophie Fromager et Patricia Laporte, ont conçu l’ensemble de manière dynamique et ludique. La soixantaine de questions traitées se répartit en cinq rubriques : Boîte à outil, Maîtres à penser, Matières à penser, Un peu de logique, Arrêtez de penser, et chacune fait l’objet d’une explication stimulante et d’un ou plusieurs exercices astucieux. On y joue avec de nombreuses citations, peu de mots en isme et, dans un ultime test de personnalité, on peut se demander si l’on est « plutôt deleuzien ou plutôt foucaldien ». Ne nous y trompons pas, si cet ouvrage est plaisant à lire et à pratiquer, c’est bien parce qu’il est riche en une « substantifique moelle » dont le lecteur sent vite qu’il peut tirer un grand profit personnel. Ce cahier s’adresse donc à un public très large qui pourrait à sa lecture, et c’est peut-être là le plus important, mieux saisir l’intérêt de la défense de la philosophie et des sciences humaines.

Stéphane Tirard, Université de Nantes

28 juin 2008

Jules Janssen, globe-trotter de la physique

Blog_janssen Préfacée par l’astrophysicien Jean-Claude Pecker, la biographie de Françoise Launay (chercheuse associée à l’Observatoire de Paris) consacrée Jules Janssen met en lumière la personnalité scientifique très riche de l’astronome français du XIXe siècle (Un globe-trotter de la physique céleste, Vuibert-Observatoire de Paris, 2008, 288 p., 30 €). Sautant d’un savoir à l’autre, de la physique aux mathématiques, de la géographie à la physiologie, il se passionne pour la connaissance du soleil, les voyages d’exploration et l’invention des techniques comme le « revolver photographique » qui lui permet de fixer des images tout en se déplaçant à tombeau ouvert. Comme l’écrit très justement le préfacier, « la première invention de Janssen, c’est en effet Janssen lui-même ». Aventurier, il n’en devient pas moins à la fin de sa vie (il meurt en 1907) l’un des plus grands astrophysiciens mondiaux. Et ses amitiés sont à la mesure de son rayonnement, de Gambetta à Jules Ferry, de Gustave Effel au peintre Jean-Jacques Henner. Il est de surcroît patriote et républicain, un des héros de la résistance aux Prussiens lors du siège de Paris en 1870. Bref le sujet est captivant et le livre très érudit (avec beaucoup d’illustrations in texte), même si les historiens et sociologues des sciences n'y retrouveront pas forcément leurs problématiques. V.D.

27 juin 2008

L'eau, cet été

Blog_ward Peut-être nos abonnés le savent-ils déjà, mais le grand dossier de l’été de La Recherche daté juillet-août est consacré à « l’eau ». En hommage à ce thème majeur et à la très belle couverture imaginée par notre directeur artistique, mentionnons ici un ouvrage de cette thématique, Les voleurs d’eau sous-titré « les déboires marchands d’un bien commun » (2006, 201 p., 14 €). Rédigé par Colin Ward, architecte britannique, anarchiste et éditeur, cet essai inspiré par les idées libertaires souligne la dérive du bien de l’eau, passé du statut de valeur public (l’Angleterre victorienne reconnaissait « le besoin de fournir une eau sûre et saine à chacun, riche ou pauvre ») à celui d’objet marchand. Il trace un parallèle singulier, dans l’avant-propos, avec le sang qui ne relève plus aujourd’hui du don mais de la commercialisation. Cette enquête centrée sur l’exemple anglais tout en assumant une dimension internationale souligne la responsabilité du système économique marchand mais aussi celles des Etats et des politiques qui ont renoncé à défendre le « bien commun » de l’eau. Face à cette logique, écrit le préfacier, « Colin Ward plaide pour une gestion des ressources qui soit contrôlée par les ‘collectivités humaines’. » Le tout publié par l’Atelier de création libertaire, un éditeur au catalogue fourni (http://www.atelierdecreationlibertaire.com/)

Blog_veilleurs_2 Terminons cet hommage à l’eau dans la Recherche par Veilleurs de l’eau. Aux sources de Paris (2007, 213 p., 29,90 €), un superbe album des éditions La Découverte écrit par Agnès Sinaï avec de belles photographies de Noura Scalabre. Tout est dit et montré de la relation d’une capitale avec l’eau, celle de la Seine et des fontaines de Paris, celle qui fonde les nombreux métiers et les pratiques quotidiennes. Evidemment, on ne trouvera pas de réflexions comparables à celles de Colin Ward. On est dans le registre de ce qui ne fâche pas. L’ouvrage est co-édité par Eau de Paris, à l’occasion des vingt ans de l’établissement, avec une préface d’Anne Le Strat qui le dirige. V.D.

26 juin 2008

Les deux Mallarmé

Blog_mallarm Professeur à l’université de Liège, Pascal Durand s’est saisi d’un intéressant paradoxe qui concerne Stéphane Mallarmé comme bien d’autres artistes de sa qualité. D’un côté, il est le poète du formalisme éclatant, de la perfection stylistique. L’actualité vulgaire ne semble avoir aucune prise sur cette poésie de la plus grande exigence. Mais, de l’autre, Mallarmé fut aussi chroniqueur quasi frivole au journal La Dernière Mode et journaliste des tendances. Comment se lient ces deux registres d’écritures, ces deux univers, ces deux temporalités ? Mallarmé, du sens des formes au sens des formalités (Le Seuil, coll. « Liber », 2008, 298 p., 22 €) apporte une intéressante réponse dans un livre dense, démonstratif, mais souvent surchargé de références et qu’on aurait parfois imaginé mieux écrit, surtout sur un tel sujet. Et si ces deux Mallarmé n'en faisaient qu'un ? V.D.

25 juin 2008

Gouverner la République

Blog_blum C’est une recherche tout à fait considérable que nous proposent le juriste Vincent Le Grand et les éditions LGDJ avec Léon Blum (1872-1950) : gouverner la République (2008, 656 p., 53 €), à la réserve près que le prix de l’ouvrage ne pourra que décourager sa diffusion. L’auteur de cette thèse de droit, « contribution majeure à l’histoire du droit politique français », dit son préfacier (et directeur de la thèse) Eric Desmons, propose en effet une forme de biographie intellectuelle et politique d’un des grands républicains français du XXe siècle, au même titre que Gambetta, Waldeck-Rousseau, Clemenceau ou le général de Gaulle. Evidemment, la question du socialisme tend à s’éluder au fur et à mesure que la recherche progresse, et c’est peut-être l’une des critiques qui pourraient être faites à l’auteur. Il aurait été fructueux d’interroger la pratique gouvernementale de Léon Bum à l’aune de cette pensée politique dont il fut l’un des concepteurs. Cette confrontation est cependant présente lorsque Vincent Le Grand étudie, dans la première partie de son ouvrage, « la défense de la souveraineté parlementaire » qui constitue le « cadre indispensable au progrès républicain ». Et, de fait, toute l’œuvre théorique et critique de Léon Blum comme son activité de député tendent à la modernisation de la République pour en faire un régime né au XIXe siècle et adapté au XXe siècle. Le corollaire d’un pouvoir élargi du Parlement est alors le renforcement de la pratique gouvernementale pour laquelle il plaide inlassablement, depuis les « Lettres sur la réforme gouvernementale » de 1917 jusqu’à ses articles du Populaire, avant de se confronter à la machinerie du gouvernement et l’Etat à partir de juin 1936. L’étude du renforcement de la présidence du Conseil avait déjà été esquissée par l’historien Nicolas Roussellier, elle est ici poussée jusqu’à son terme et inscrite dans un processus long qui irait de Gambetta au général de Gaulle. Les qualités de cette thèse sont, au final, très nombreuses : enquête bibliographique exemplaire en direction des textes et discours de Léon Blum et de l’historiographie (en dépit de certains oublis ou confusions), effort salutaire d’un juriste allant avec succès sur les terrains de la recherche historienne, démonstration avec Léon Blum du lien parfois critique entre pensée intellectuelle et action politique. Certes, l’éclatement de la chronologie peut poser des problèmes d’interprétation, mais l’expérience décisivement exhumée par Vincent Le Grand ne cesse de parler aux chercheurs comme aux lecteurs contemporains, y compris dans le contexte actuel d’une reconfiguration profonde des rôles et des fonctions du Président de la République, du Premier ministre et du Parlement. Vincent Duclert, EHESS

Blog_lours Et retrouvez ce compte rendu dans L’Ours, « Mensuel socialiste de critique littéraire culturelle artistique », dans son numéro de juillet-août 2008. La publication de ce post est faite exceptionnellement en collaboration avec ce média (www.lours.org).

24 juin 2008

Frontières du communisme

Blog_coeure Le communisme fut une idéologie, une puissance européenne et mondiale, une pratique du pouvoir, et une pensée de l’espace. L’ouvrage dirigé par Sophie Cœuré et Sabine Dullin, Frontières du communisme. Mythologies et réalités de la division de l'Europe, de la révolution d'Octobre au mur de Berlin (La Découverte, Coll. « Recherches », 2007, 464 p., 35 €), d’une très grande fécondité, s’arrête sur la combinaison de tout cela, sur les représentations et les pratiques des frontières dans le monde soviétique jusqu’à la fin des années 1950. Durant les premières années du communisme soviétique la frontière est une ligne qui se déplace, destinée à disparaître sous l’effet de l’internationalisme. Mais le stalinisme triomphant en fait une des composantes majeures de la puissance et de la représentation de l’espace, jusqu’à concevoir l’ensemble du territoire de l’URSS comme une zone frontalière. La frontière devient des zones laissées volontairement en friche, interdites d’accès, lignes de barbelés ou zones de passage fortement réglementé. Elle est séparation entre cultures politiques, entre pratiques de gouvernement, entre sociétés. Paradoxalement, la frontière est, au début des années 1930 en URSS, un espace que l’on vide de ses habitants dont Staline craint la déloyauté, pour la repeupler d’habitants dont l’origine fait penser qu’ils seront plus loyaux. C’est une zone aussi dans laquelle le garde-frontière devient le personnage clé, zone de protection et de fermeture où la contrebande est l’obsession autant que toute forme d’intrusion facilement qualifiée d’espionnage. Plus généralement l’équipement en protection diverses marque fortement le terrain, et des projets d’un simplisme absurde et en réalité inapplicables fleurissent, comme celui qui exige le défrichement de toute une langue de terre le long des milliers de kilomètres de frontière. Mais c’est aussi une ligne, dont le mur de Berlin est l’expression la plus concrète, et l’expression « rideau de fer » l’image la plus forte. Car la géométrie archaïque du territoire national produite par le stalinisme, géométrie au simplisme effrayant, a été étendue après la Seconde Guerre mondiale à l’Europe de l’Est. 

Alain Blum, EHESS

23 juin 2008

Tonique et relaxant

Blog_laurens Une cervelle scientifique a besoin de temps à autre, comme un lave-linge, d’un détartrage. Certains chercheurs préconisent le roman* policier, d’autres, le roman rose, la poésie, d’autres, plus rares encore, les œuvres* complètes de Vincent Duclert. Je voudrais vous proposer un livre inclassable, unique, mais dont vous pourrez vous servir plusieurs fois (il est divisé en quelque 150 textes*, à consommer à l’unité ou par deux). Il s’agit du dernier opus de Camille Laurens, Tissé par mille (Gallimard, 2008, 230 p., 16,90 €). Un dictionnaire* sans ordre*, primesautier s’il en fut, d’où l’ennui* est banni. Chaque mot est donné* à entendre* sous toutes ses facettes, depuis son sens étymologique jusqu’à son sens commun* ou ses emplois dans le beau*style* ou les banlieues*. Pour l’auteur, c’est l’occasion de jouer* comme un gentil* génie* à la riche culture* (ni diable*, ni bête*, ni méchant*) avec la matière* du langage, qui est « tissé par mille » (Mallarmé). Et vous, sur votre divan*, vous voyez naître* de secrètes* relations* entre les mots, et soudain riez comme un fou* des pirouettes de votre hôte* du moment… Une vraie fête*, un vrai cadeau* ! Ces mots furent-ils choisis au hasard* ? Certains font naître des sortes d’essais*, comme Peuple* ou Cause*. Le mot de la fin* ? Mme Laurens, sur notre âme*, nous sommes vos obligés* ! - N.B. : les astérisques renvoient à ce dictionnaire peu commun*.

André Michard, UPS, ENS

22 juin 2008

Un monde de réflexion

Blog_foucault Il existe une sorte de mythe dans l’œuvre de Michel Foucault, révélé par lui-même, d’abord le 27 mai 1978 dans une communication à la Société française de philosophie puis dans un numéro du Magazine littéraire paru en mai 1984, un mois avant la disparition du philosophe. Il s’agit du texte d’Emmanuel Kant de 1784, « Qu’est-ce que les Lumières ? » et de son rôle éminent dans la trajectoire foucaldienne. La nouvelle publication des cours du Collège de France assurée par la collection « Hautes études » (une entreprise commune aux Editions de l’EHESS, Gallimard et Le Seuil), Le Gouvernement de soi et des autres. 1982-1983 (2008, 386 p., 27 €) revient sur « un texte pour moi un peu blason, un peu fétiche », dit Foucault. Car « Qu’est-ce que les Lumières ? » a été au centre de la première leçon du 5 janvier 1983. Pour Michel Foucault, ce texte fonde le passage de la philosophie classique au présent de la philosophie et de la politique. Ce qui est posé, « c’est la question du présent, c’est la question de l’actualité, c’est la question de : qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Qu’est-ce qui se passe maintenant ? ». L’actualité est de la philosophie s’interrogeant sur elle-même mais aussi sur le monde et le pouvoir. Pour Michel Foucault relisant Kant, les formes par lesquelles le philosophe a posé « la question de sa propre actualité, n’ont pas cessé de hanter, sinon toute la philosophie moderne depuis le XIXe siècle, du moins une grande part de la philosophie ». Un autre intérêt peut-être secondaire mais à notre avis tout aussi essentiel que le premier court dans ces pages (au demeurant très lisibles puisqu’émanant de l’effort d’un professeur à se faire comprendre de son auditoire). Michel Foucault insiste sur le statut du texte de Kant publié à l’origine dans une revue, la Berlinische Monatsschrift. Et de préciser. Non seulement l’axe de cet article converge vers « la notion de public, de Publikum » à laquelle justement les revues accordent une importance fondamentale, mais de plus « une grande partie de son activité théorique a consisté à publier des articles, des comptes rendus, des interventions, dans un certain nombre de revues ». Foucault pointe ici l’une des vérités du mouvement scientifique et intellectuel et qui fait que, pour comprendre pleinement une œuvre, il faut aller vers ces textes apparemment annexes et se saisir du caractère public des lieux de leur publication. C’est tout un monde de réflexion qui s’ouvre, en ce premier dimanche d’été ! V.D.

20 juin 2008

Recherche à La Réunion

Blog_vaillant La thèse de la géographe Zoé Vaillant consacrée à La Réunion a été publiée aux PUF dans la collection « Partage du savoir » (La Réunion, koman i lé ?, Le Monde-PUF, 253 p., 29 €). Sous-titrée « Territoire, santé, société », elle aborde les inégalités sociales en termes, précisément, de territoires. La chercheuse a étudié, pour ce faire, « deux quartiers très différents par leur forme et leur milieux (rural/urbain) mais également touchés par des difficultés socio-économiques structurelles », soit Rivière des Galets, dans les Bas de l’île dans la commune du Port, à tendance urbaine, dominé par un habitat collectif de type « cités », et Ravine Daniel, verdoyant, situé dans les Hauts de Saint-Paul, marqué par une activité exclusivement agricole et un habitat de cases à terres, qui s’apparenterait à un quartier rural ». Zoé Vaillant s’est appropriée les analyses nouvelles faisant du quartier l’expression d’une « existence collective plus ou moins profondément enracinée selon l’histoire, la manière et le degré d’intensité avec lequel la pratique sociale l’alimente ». Le résultat de la recherche, saluée par Boris Cyrulnik qui signe une belle préface, est décisif puisqu’il montre comment l’espace forge le social, et non l’inverse. Voici une grande thèse qui plaira aux géographes et au-delà, à tous ceux qui veulent comprendre les mondes proches et lointains et penser les moyens de la lutte, non plus seulement contre les inégalités mais aussi contre le déracinement.

Vincent Duclert, EHESS

19 juin 2008

A tous les scientifiques

Affiche_slr18juina4_3 On ne peut ne pas reproduire ici l'affiche de Sauvons la Recherche diffusée hier mercredi 18 juin. Depuis sa création, le mouvement rivalise d'ingéniosité pour faire connaître son action. Il faudra que de chercheurs se penchent un jour sur les formes de cette mobilisation. Déjà, Erwane Monthubert avait analysé le rôle d'Internet dans la première bataille livrée, in Les Etats généraux de la recherche. Grenoble 9 mars-9 novembre 2004 (Tallandier, 477 p., 23 €). Pour voir l'affiche en grand, il est préférable de se rendre sur le site de l'association. Evidemment, le contexte et la nature de la lutte sont bien différents. Les responsables de SLR, conscients des critiques que pourrait soulever leur initiative, s'en expliquent aussi. V.D.

http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1966