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mars 2008

24 mars 2008

Première vague

La première vague commémorative de Mai 68 est passée. A noter l’initiative du quotidien en ligne Mediapart qui se propose avec ses lecteurs d’identifier les « 22 » étudiants immortalisés par une photographie de l’occupation de la salle du conseil au sommet de la tour administrative de l’université de Nanterre (http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/200308/a-la-recherche-des-vingt-deux-du-22-mars-1968). Rendez-vous fin avril pour une seconde vague et d’ici là, des critiques en ligne et des témoignages sur notre Blog des Livres. V.D.

21 mars 2008

J - 1

Demain 22 mars, la déferlante commémorative de l’anniversaire de Mai 68 touchera l’Hexagone. En effet, il y aura quarante ans jour pour jour qu’un groupe de cent cinquante étudiants d’extrême gauche emmenés par Daniel Cohn-Bendit et Jean-Pierre Dutilleul, tous deux inscrits en sociologie, investissaient la tour administrative de la jeune université de Nanterre. Ils protestaient contre l’arrestation de militants à la suite de l’attaque d’une agence parisienne d’American Express, dans le contexte de la lutte estudiantine contre la guerre du Vietnam. Le mouvement de Mai 68 en France commençait sur cet épisode anarcho-festif à haute densité symbolique, inscrit dans le marbre d’un déjà légendaire « Manifeste des 140 ». Quarante ans plus tard, près de 80 publications sont annoncées ou viennent déjà de paraître. Un record ! Nous rendrons compte dans les colonnes du mensuel (daté mai) et au fil de ce blog des meilleurs travaux issus de la recherche. Parce que l’événement a concerné les chercheurs, le Blog leur consacrera aussi l’un de ses premiers « Dossier », une nouvelle rubrique qui ouvrira prochainement et qui viendra renforcer ce rendez-vous quotidien des idées et des livres. Vous pourrez y intervenir en témoignant de ce qu’a été Mai 68 dans votre parcours intellectuel et comment l’événement a changé ou non l’horizon de vos attentes et de vos pensées. Pensez-y dès maintenant.

Vincent Duclert, co-responsable du Blog des Livres/La Recherche

20 mars 2008

68. Une histoire collective

Un tsunami de papier nous menace ! La commémoration du quarantième anniversaire des événements de Mai 68 s’annonce comme une vague éditoriale sans précédent. Emportés par cet énorme flot, les lecteurs auront quelque mal à faire leur choix. Voici pourquoi la lecture de ce collectif – le mot prend toute son importance : livre choral pour événement choral – doit être conseillée en priorité (Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68. Une histoire collective (1962-1981), La Découverte, 2008, 848 p. 28 €).

Christophe Prochasson, EHESS

19 mars 2008

Trente livres de mathématiques

Appréhender un auteur, une théorie, à partir d’un texte fondateur, voire dans sa langue originale, est une pratique courante et nécessaire en sciences sociales. Les textes et les auteurs scientifiques, particulièrement en mathématiques, échappent à cette forme de travail. En effet, la façon d’écrire les mathématiques évoluent plus rapidement dans le temps que la langue courante : une théorie élaborée par l’esprit génial d’un Gauss ou d’un Cauchy sera ensuite reprise par les « fourmis » (moins géniales mais pourtant excellents mathématiciens) pour être simplifiée, améliorée, mise en perspective par rapport à d’autres découvertes parallèles. Aussi proposer une analyse et une lecture de Trente livres de mathématiques qui ont changé le monde (Jean Jacques Samueli et Jean Claude Boudenot, Ed. Ellipses, 414 p, 39€) semble être un pari osé. Les auteurs, de par leur formation, ont mis l’accent sur les aspects application des mathématiques aux autres sciences, notamment la physique. Ces extraits de livres publiés entre 1482 et 1916, ont une forte coloration physique : Galilée, Einstein qui a beaucoup utilisé les mathématiques développées par Riemann, ou la mécanique que Lagrange considérait comme une géométrie à 4 dimensions, Gibbs, Boole ou Briggs qui ont certes laissé une trace … Par contre, les grands génies tels Euler, Gauss, Cauchy, Abel, Riemann ou Poincaré sont bien présents. J’avoue pourtant que de lire une partie du cours d’analyse de Cauchy, ou un extrait du texte « sur les hypothèses qui servent de fondement à la géométrie » de Riemann, ne m’ont fait que très légèrement mieux appréhender la pensée de ces auteurs.

Henri Lemberg, classes préparatoires Paris

18 mars 2008

Sous l'oeil des puces

Le Journal du Dimanche du 17 février 2008 signalait la difficulté récurrente du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) à imposer le passe Navigo, notamment parmi les usagers de la RATP. Ces derniers semblent pour beaucoup rester fidèles au vieux coupon de Carte orange, acheté chaque mois (ou chaque semaine) et sur lequel on inscrit le numéro de sa carte. La politique de ces établissements consiste à mettre fin à ce moyen jugé archaïque au profit d’un système à puce qui enregistre tous les déplacements d’une carte devenue désormais nominale, au contraire de la carte Orange qui ne faisait pas l’objet de l’enregistrement dans un fichier général. Selon le STIF cité par Le Journal du Dimanche, les données recueillies ne serviront qu’à des études statistiques sur les déplacements et pour lutter contra la fraude. Les données collectives pourront également nourrir le travail des chercheurs, géographes, urbanistes, sociologues. Mais la tentation sera certainement grande de les utiliser pour élaborer le profil personnel des usagers, afin de cibler leur potentiel commercial ou autres comportements. Certes, la CNIL veille et, preuve que l’on ne se situe pas uniquement dans le « fantasme du fichage », celle-ci à demander la mise en place d’une carte Navigo anonyme baptisée « Découverte », mise en place en septembre dernier, …. et payante (5 €). L’impact des nouvelles technologies sur les libertés individuelles ne serait que de peu d’effet s’il n’y avait actuellement le choix du pouvoir politique de s’intéresser aux garanties judiciaires des droits fondamentaux. On pourra toujours méditer eu compagnie de quelques livres dont l’excellent Sous l’œil des puces de Michel Alberganti (sous-titré La RFID et la démocratie, Actes Sud, coll. « Essais sciences », 272 p., 22 €).

Vincent Duclert, Ehess

Identification

Suite de notre rubrique « Pourquoi se faire peur dans un monde si parfait ? » Le collectif L’identification. Genèse d’un travail d’Etat (Belin, coll. « Socio-histoires », 2007, 272 p., 28 €) n’est pas là pour nous rassurer. Etudiant avec neuf autres chercheurs les processus de repérage des individus et la mise en œuvre de politiques d’Etat dédiées à cette tâche, notamment dans le domaine de l’immigration, l’historien Gérard Noiriel souligne une loi récurrente : « Lorsqu’un Etat fabrique de nouveaux outils pour identifier les personnes, les garanties démocratiques qu’il se donne ne sont jamais acquises pour l’éternité. Nul ne peut donc être certain que ces techniques ne seront pas utilisées ultérieurement par des régimes répressifs ou totalitaires, prétendant agir eux aussi au nom des ‘honnêtes gens’. » Tout dépendra alors de la force des contre-pouvoirs, de la conscience partagée de la souveraineté des droits individuels et de l’indépendance des médias. « Safari ou la chasse aux Français », n’avait pas hésité à titrer le journaliste du Monde Philippe Boucher. Cet article du 21 mars 1974 dénonçait le projet du ministère de l’Intérieur de réunir dans un seul fichier les données de près de quatre cent autres. S’ensuivit une mobilisation de l’opinion dont la traduction fut, en 1978, le vote de la loi « Informatique et libertés » et l’institution de la CNIL. Philippe Boucher insistait sur l’idée que ces rapports des libertés publiques et de l’informatique ne pouvaient être soustraits à la discussion générale et à l’autorité judiciaire, en vertu notamment de la Constitution qui en fait le gardien des libertés individuelles.

Vincent Duclert, Ehess

17 mars 2008

La troisième rive

Un itinéraire passionnant à découvrir pour ceux qui l’ignorent encore, un engagement et une réflexion fondamentale – à l’heure du changement climatique- sur les questions de développement durable. Le citoyen du monde Ignacy Sachs, un des pères de la notion d’écodéveloppement, nous livre ici son autobiographie, La troisième rive (Bourin éditeur, 2008, 403 p, 21 €). Cette vie est un roman,  inscrit dans les grands évènements du siècle, tissé d’influences intellectuelles multiples: naissance en 27 en Pologne dans une famille juive, fuite et émigration au Brésil en 1940, retour en Pologne dans les années 1950, long séjour en Inde où il rencontre Amarya Sen et soutient une thèse d’économie, deuxième émigration en 68 de Pologne marquée par le renouveau de l’antisémitisme, enfin accueil en France à l’EHESS grâce au concours de Fernand Braudel. Sachs n’a cessé de s’occuper d’économie du développement, avec une connaissance particulière de l’Inde et du Brésil, mais aussi à travers une carrière dans les organisations internationales où il participe notamment à la préparation des Conférences de Stokholm(72) ou de Rio (92). Resté à l’abri du marxisme dogmatique et de l’économisme mainstream, il s’intéresse très tôt à l’écologie et aux écosystèmes, mais aussi aux phénomènes massifs d’urbanisation dans le Tiers-Monde. A l’heure des défis du carbone, il faut lire ce monsieur qui pense bien au-delà de l’écologiquement correct, large et loin !

Amy Dahan, CNRS-Centre Alexandre Koyré

Les sciences de l’âme

Il est un lieu commun qui consiste à situer les fondements de la psychologie en tant que discipline scientifique à la fin du XIXe siècle, notamment à la suite des travaux expérimentaux de Wilhelm Wundt. C’est à ce lieu commun que s’attaque ici Fernando Vidal dans Les sciences de l’âme XVIe-XVIIIe siècle (Honoré Champion, 2006, 463 p., 82 €). La psychologie non seulement existe au XVIIIe siècle, mais se considère bel et bien comme « la plus utile de toutes les sciences ». Vidal convoque ici la plupart des auteurs et écrits princeps des « sciences de l’âme » du dernier tiers du XVIe à la fin du XVIIIe siècle et montre leur insertion culturelle, entre physiologie et histoire. L’ambition vaste d’une science de l’homme, dont la psychologie deviendrait une branche maîtresse, traverse toute la « République des Lettres » du XVIIIe siècle, en dépit de l’hétérogénéité des discours psychologiques et des spécificités nationales (France, Suisse, Ecosse, Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne). Par cet ouvrage foisonnant, d’une érudition sans faille et extrêmement vivant, Fernando Vidal est certainement avec Paul Mengal un de ceux qui aujourd’hui tirent l’histoire de la psychologie classique des limbes où elle était restée depuis Georges Gusdorf.

Jean-Claude Dupont, CNRS Université de Picardie

13 mars 2008

Philogelos

Le co-responsable de ce Blog des Livres s’envolant pour deux jours en Grèce, il n’y aura pas de « post » demain. Vous pourrez vous consoler en lisant la traduction chez Mille et une nuit du plus ancien recueil de blagues grecques anciennes ou Philogelos (« L’ami de rire »). L’édition établie par Arnaud Zucker se clôt par une très intéressante postface, « Sous les statues, le rire » et l’avertissement d’Aristote (Rhétorique 2.12.16) : « Le sens de l’humour, c’est la violence bien élevée ». (Anonyme, Va te marrer chez les Grecs - Philogelos, 92 p., 3 €). V.D.

Combattre

Combattre Alors que vient de disparaître le dernier poilu français, on pourra s’intéresser au dernier-né de l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau, un ouvrage qui lance son auteur vers l’anthropologie historique de la guerre moderne et des combattants du XIXe au XXIe siècle (Combattre, Le Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 330 p., 21 €, .. avec une photographie de jaquette très signifiante). V.D.