Le festival OFF d’Avignon n’est pas à proprement parler un
festival de théâtre scientifique. Pourtant, parmi le millier ( !) de spectacles
présenté cette année, se trouvait une pépite que ne dédaigneront pas
les amateurs de mathématiques : « Pièces détachées/ OuLiPo »,
proposée par le théâtre de l’éveil. Une pièce basée sur une triple
performance : celle du texte, des acteurs et de la mise en scène. Car il
s’agit de donner vie aux œuvres absurdes et drôles de l’Ouvroir de Littérature
Potentielle (l’OuLiPo), mouvement né en 1960 sous l’impulsion de mathématiciens
et d’écrivains - Georges Perec, Raymond Queneau, etc. – et qui propose à ses
membres d’écrire des textes en respectant des contraintes qu’ils auront eux
même inventé.
La contrainte S+7, par exemple, consiste à remplacer chaque
substantif (S) d’un texte par le septième substantif après lui dans le
dictionnaire. Sous la plume de Queneau, la Cigale et la Fourmi de La Fontaine est ainsi
devenue la Cimaise et la Fraction, savoureusement récitée en guise de
mise-en-bouche. Le hors-d’œuvre tient de la haute voltige vocale : les
trois acteurs s’associent pour nous servir un « poème pour bègue »
dans lequel chaque syllabe d’un vers paire est identique à la syllabe impaire
qui la précède. Plat de résistance : nos trois artistes reprennent
« What a man ! » de Georges Perec, « Oh !
l’ostrogoth ! » de Jacques Jouet et « Ce fêlé de mec »
d’Olivier Salon, des « monovocalismes » où toutes les voyelles sont
bannies, sauf une.
Pour mieux nous
perdre, le metteur en scène Michel Abecassis a choisi de ne pas expliquer les
contraintes qui ont prévalu à l’élaboration de chaque textes. Charge aux
spectateurs de décortiquer l’énigme ou de se laisser porter par la musique des
mots. Un pur moment de plaisir que l’on
pourra déguster cette année en tournée, partout en France. Les dates sont
consultables ici.
Sophie Coisne