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10 septembre 2012 | 

Energies du futur

Blog bacher
Les tensions observées au sein du gouvernement à propos du nucléaire nourrissent les arguments de ceux qui, à l’instar de Pierre Bacher, ancien directeur technique d’EDF, voient dans le développement de cette énergie une solution d’avenir. Elle permettrait de résoudre l’équation rappelée par Edouard Brézin, le préfacier de son essai, Le credo antinucléaire. Pour ou contre ? (Editions Odile Jacob, 167 p., 15,90 €), celle du quasi-doublement des besoins d’énergie en rejetant deux fois moins d’effet de serre. Seule la prise en compte de cette équation conférerait de la crédibilité aux tenants de la sortie du nucléaire. Pour Pierre Bacher, l’émotion née de l’accident des réacteurs de Fukushima a faussé le débat sur le nucléaire. Il tente dans son livre de faire valoir « les avantages du nucléaire tout en en réduisant les risques » et le « mouvement » que la France « se doit d’animer dans ce domaine ». Citant l’Académie des sciences dans son rapport sur l’accident de la centrale japonaise, il consent à reconnaître que l’avenir de l’électricité nucléaire demeure du ressort des mécanismes démocratiques, mais dans le cadre d’un débat où les experts comme lui contribueraient à éclairer l’opinion et « introduire un peu de raison dans le débat ».

Blog enderlin
Pour continuer sur l’électricité, d’origine nucléaire ou non, mentionnons la réflexion décapante de Serge Enderlin, grand reporter et spécialiste de géopolitique, sur l’avenir de l’automobile. Vivant, tonique, emmenant le lecteur au quatre coins du monde pour les besoins de l'enquête, Volt ! La voiture électrique sauvera-t-elle le monde ? (Le Seuil, 139 p., 15 €) mérite un bon détour.

Vincent Duclert 

07 septembre 2012 | 

Obama, vers un deuxième mandat ?

Blog portes
Depuis cette nuit, Barack Obama est investi candidat démocrate aux élections présidentielles américaines qui auront lieu le 6 novembre prochain. Historien des Etats-Unis, Jacques Portes a consacré à cet événement un essai en forme d’interrogation, Obama, vers un deuxième mandat ? (Editions Armand Colin, coll. « Eléments de réponse », 190 p., 17 €). Soulignant les doutes de son propre électorat, il avance que le Président sortant « devra sortir le grand jeu pour effectuer un second mandat ».

Vincent Duclert

05 septembre 2012 | 

Urgences de l'actualité

Trois ouvrages en relation avec l’actualité ce matin sur le Blog des Livres.

Blog noblesse
La rentrée des 12 millions d’élèves en France tout d’abord, commencée hier, avec une étude de sociologie « des enfants surdoués » de Wilfried Lignier, enseignant à l’Ecole normale supérieure. La petite noblesse de l’intelligence (La Découverte, coll. « Sciences humaines », 360 p., 25 €) est fondée sur une large enquête impliquant parents, psychologues et militants associatifs.

Blog enfant
La psychologie et la psychothérapie se saisissent quant à elles du « désir d’apprendre »,avec Martine Menès qui défend, dans L’Enfant et le Savoir (le Seuil, 174 p., 17,50 €) une vision compréhensive des difficultés scolaires et des manières d’aider l’enfant à les surmonter.  

Le chômage aussi, au moment où la barre des 3 millions de sans-emplois a été atteinte en France. Malgré les systèmes de protection sociale, la perte de son emploi ou l’impossible accès au marché du travail créent des formes multiples de précarité et de fragilité, lesquelles engendrent des situations d’urgence sociale que des organismes tel le Samusocial de Paris tentent de guérir.

Blog samusocial
Daniel Cefaï et Edouard Gardella ont suivi le travail des équipes mobiles (les « maraudes ») dans la capitale. De cette enquête de terrain, ils livrent une grande étude d’ethnologie du problème public de la « grande exclusion » et des outils pour l’affronter (La Découverte, coll. « Sciences humaines/Bibliothèque du MAUSS, 576 p., 35 €).

 

Vincent Duclert

03 septembre 2012 | 

Peut-on encore former des enseignants ?

Blog prof
850 000 enseignants font leur rentrée aujourd’hui, précédant d’une journée celle des élèves. « Eléments de réponse », la collection d’intervention des éditions Armand Colin publie un essai qui n’est pas seulement d’actualité, Peut-on encore former des enseignants ?, écrit par deux maîtres de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Nantes, Pascal Guibert et Vincent Trager (151 p., 16,80 €). Les auteurs y pèsent notamment les vertus respectives des modèles de formation, le « consécutif » (d’abord une formation exclusivement disciplinaire jusqu’au concours de recrutement, puis une formation mixte, associant des compléments disciplinaires et des éléments de formation professionnelle), caractéristique du système français, et le « simultané » ou « intégratif », comme en Finlande, où la formation professionnelle commence très tôt dans le cursus du futur enseignant. Pour former encore des enseignants, il faut donc repenser leur formation.

Aux éditions Armand Colin également, un collectif de la collection « Recherches », Polémiques à l’école, sous-titré : « Perspectives internationales sur le lien social », et dirigé par Geoffrey Grandjean et Grégory Piet, de l’université de Liège (198 p.).

 

Vincent Duclert

Combattre la crise, par Paul Krugman

Le Blog des Livres est de retour, et avec lui son invitation à la lecture, à la réflexion, à l’engagement parfois. Sa matière est le livre et l’édition. Si celle-ci considère avec une certaine inquiétude l’aggravation de la récession et la réduction du pouvoir d’achat de nombreux potentiels lecteurs, elle n’abandonne pas pour autant ses missions d’éducation populaire et de transmission du savoir savant.

Puisque la crise mobilise les politiques comme les experts, l’opinion publique comme les intellectuels, intéressons-nous à la parution de la traduction en français de l’essai du Prix Nobel d’économie Paul Krugman, Sortez-nous de cette crise maintenant ! (traduit de l’anglais - Etats-Unis par Anatole Muchnik, avec la collaboration scientifique d’Eloi Laurent, Paris, Flammarion, 272 p., 19 €). Ce livre, la rédaction de la Recherche a choisi dans son immense sagesse d’en faire le « Livre du mois » du numéro de rentrée, actuellement dans les kiosques et déjà chez les abonnés.

Blog krugman
Le choix du titre, pour la traduction en français de End this Depression Now! indique bien la mission du livre. Il s’agit pour l’auteur de forcer les responsables économico-politiques, tant américains qu’européens, à prendre toute la mesure de la crise. Cela passe par l’inventaire d’une faillite intellectuelle qui n'a pas permis de comprendre les priorités présentes et qui conduit à s’accrocher à des mythes d’autant plus puissants qu’ils se drapent de morale. Puisque ces dogmes interdisent d’envisager d’autre politique que celle actuellement suivie, Paul Krugman compte sur la puissance de l’opinion publique. Son livre doit lui apporter les éléments de sa réflexion et de sa mobilisation.

Il n’en est pas à son coup d’essai puisqu’en 2007 il avait, avec The Conscience of a Liberal [1] choisi de placer les Américains en face de la situation créée par la politique de George W. Bush. Il s’était appliqué à démontrer la fabrique des dogmes utilisés pour justifier une politique ultra-conservatrice. Si la contribution à la victoire de Barak Obama de ce Prix Nobel d’économie (2008) fut réelle, il ne devint pas pour autant un partisan inconditionnel du nouveau président. Il développa même, dans ses éditoriaux du New York Times et sur son blog [2], des critiques appuyées sur sa politique économique.

C’est à partir de cette connaissance très poussée de la situation américaine qu’il s’emploie dans son nouvel essai à définir les conditions d’une lutte authentique contre la crise, conforme à ce qu’elle est et à ce qu’enseigne le savoir des économistes lorsqu’il est bien compris. Paul Krugman attaque sévèrement la démission de beaucoup de ses confrères qui ont substitué à la connaissance critique la croyance dans l’austérité financière et qui ont entretenu des liens problématiques avec les décideurs économiques. Jetant « aux oubliettes les leçons de l’histoire », ils ont « totalement évacué le grand principe énoncé par Keynes : “C’est en phase d’expansion, pas de ralentissement, qu’il faut appliquer l’austérité” ».

Il concède à l’administration Obama de s’être essayé à une politique « expansionniste, créatrice d’emplois ». Mais les mesures de relance publique ont été trop faibles et trop tardives pour produire un effet. Cet échec s’explique pour Paul Krugman par le souci d’Obama d’éviter tout risque d’échec et de plaire aux partisans de l’austérité. Ces derniers, les « austériens », ont conquis une autorité sans commune mesure avec leurs compétences réelles. Au nom de la « confiance » (« la fée confiance »), ils ont élevé la réduction drastique des déficits, la lutte absolue contre l’endettement public et privé, et le rejet viscéral de toute inflation en morale définitive. Or, non seulement cette politique est inadéquate en période de récession puisqu’elle enclenche la déflation et interdit tout possibilité d’investissement, mais elle dédaigne de surcroît le problème numéro un du chômage.

Contre les critiques, les « austériens » sortent « le jeu de la peur », comme la menace de l’inflation vertigineuse qui précipiterait l’Europe dans ses situations rappelant la montée du nazisme, alors même que la déflation dans la Grande Dépression fut l’élément accélérateur de la crise. Les politiques européennes sont passées à la loupe du Prix Nobel qui souligne combien les décisions des Etats de la zone euro sont hantés par l’exemple grec qu’ils ont largement contribué à fabriquer en ne le comprenant pas : la Grèce était engagée avant la crise dans un processus de désendettement par la croissance qu’il fallait accompagner. A cela s’ajoute le tabou moral pesant sur l’euro, symbole d’une unité politique tant recherchée par le continent, mais au nom duquel sont maintenant décidées des mesures anti-économiques comme la purge des dépenses publiques condamnant toute relance.

Cet essai est magistral. S’appuyant sur de nombreux exemples et références exposées avec une grande clarté, attentive à expliquer autant qu’à démontrer, ouvrant largement les horizons de la réflexion tout en revenant à son objet, la lutte contre la crise, la pensée de Paul Krugman traduit les vertus de la connaissance critique. Pour combattre une impressionnante récession, il convient pour la connaître d’interroger en pleine indépendance intellectuelle les outils avec lesquels, aujourd’hui, on la définit et on pense les politiques.

Vincent Duclert

[1] L’Amérique que nous voulons, traduit par Paul Chemla, Paris, Flammarion, 2008, 353 p., 22 €

[2] http://krugman.blogs.nytimes.com

 

04 août 2012 | 

Le huit-centième ! Place à la flânerie dans l’écriture et les prairies

C’est le huit-centième billet du Blog des Livres.

Il est temps de songer à quelque brève vacance, pour goûter le temps de lire de bons ouvrages, et d’autre encore, avec une pensée particulière pour la ponctuation à laquelle Isabelle Serça, spécialiste de stylistique à l’université de Toulouse-Le Mirail, vient de consacrer un essai très réussi : Esthétique de la ponctuation, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 308 p., 23,50 €).

Blog serça
Le propos est lumineux. « Ecrire le temps, dit-elle, saisir le temps dans la forme que lui donne l’écriture ou comment toucher du doigt l’intangible en s’accrochant à ces prises minuscules que sont les signes de ponctuation. [...] Ce livre n'est ni un traité des signes de ponctuation en usage, ni un ouvrage sur la ponctuation à telle époque, dans tel genre ou chez tel auteur. C'est un essai qui pose la ponctuation comme un objet esthétique pour en faire la pierre de touche d'une expérience du temps dans l'écriture, tout particulièrement la prose romanesque : plaçant son objet au carrefour de plusieurs domaines, il les fait jouer ensemble en s'intéressant non seulement aux textes de Proust. Simon ou Gracq, mais aussi à des oeuvres d'artistes contemporains comme Parmiggiani ou Serra. C’est accorder un grand crédit à la ponctuation que de la poser comme un objet esthétique ; de même, en faire la pièce de touche d’une expérience du temps dans l’écriture nécessite quelques préliminaires pour justifier ce qui apparaît a priori comme une gageure. [...] Le parcours du lecteur de roman est alors rapproché in fine de celui du spectateur des installations de Richard Serra, celle du musée Guggenheim de Bilbao, The Matter of Time, ou celle qui a été proposée au Grand Palais en 2008, Promenade. Marcher dans la phrase, marcher dans le temps, marcher dans « La Matière du Temps » : la ponctuation marque les temps de la lecture comme elle marque les temps de la promenade du visiteur. Elle serait alors un des critères nécessaires de l'œuvre d'art. »

 

Blog ciel
Paru voilà déjà quatre ans, Ciel ! ma prairie nous avait bien charmé. Ces « aventures paysagères » contées par Dominique Louise Pélegrin est une belle flânerie dans les paysages et les grands et petits jardins qui composent la France, au travers des manières dont nous les adoptons, dont nous les vivons, au fil des plaisirs et des jours… (éditions Autrement, 207 p., 15,30 €)

Voici le moment de retourner au jardin. Rendez-vous le 3 septembre pour de nouvelles aventures de livres, d’auteurs, de sciences et de savoirs.

 

Vincent Duclert

 

Economie de l'euro

Blog coeuré
La Banque centrale européenne est à la peine. Son président, Mario Draghi, n’a pas réussi à relever le défi qu’il s’était fixé le 26 juillet dernier, quand il déclarait que la BCE était « prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro ». Les mesures annoncées le 2 août, très en deçà des engagements, firent l’effet d’une douche froide sur les marchés.

Pour démêler les fils de l’économie de l’euro, on se tournera vers l’ouvrage d’Agnès Bénassy-Quéré et Benoît Coeuré paru aux éditions de La Découverte, et réédité en 2010 en intégrant l’analyse des conséquences de la crise financière. Cette synthèse est d’autant plus précieuse que le second co-auteur, économiste et haut-fonctionnaire, ancien directeur adjoint de la Direction générale du Trésor, est, depuis le 1er janvier, membre du Directoire de la BCE (Economie de l’euro, coll. « Repères », 128 p., 10 €).

V.D  

 

Entre Proust et Freud

Blog dorra
en 2005, Max Dorra s'intéressa aux relations de Proust et de Freud (en y ajoutant Spinoza). Son essai de psychanalyse interrogeait l’événement fondateur de leur œuvre », l’instant où tout redevient possible, où l’on s’extrait comme par enchantement des dispositifs qui enserrent et incarcèrent. Quelle petite phrase bouleversante au cœur au cœur d’un être (coll. « Connaissance de l’inconscient », série « Tracés », 2005, 291 p., 22,50 €) s’ouvrait sur une fulgurante phrase du Temps retrouvé : « Là où la vie emmure, l’intelligence perce une issue ». Voici que Jean-Yves Tadié poursuit l’enquête entre Proust et Freud avec Le lac inconnu publié dans la même collection et la même série dirigées par J.-B. Pontalis (189 p., 16,50 €)  

 

Blog tadié
« Ce que j'ai cherché, c'est à comparer deux intelligences, deux attitudes, deux comportements face aux hommes et au monde face à soi aussi. Comme si, des deux termes de la comparaison, des deux pôles de la métaphore, pouvaient, je l'espère, jaillir une étincelle, une idée, une impression poétique. Ainsi se souviendra-t-on toujours de l'un quand l'autre parle », explique l’historien de la littérature qui invite à la lecture d’une œuvre et de l’autre. Le titre est inspiré d’une citation de Marcel Proust (« … ce magnifique langage, si difficile de celui que nous parlons d’habitude et où l’émotion fait dévier ce que nous voulions dire et épanouir à la place une phrase tout autre, émergée d’un lac inconnu où vivent des expressions sans rapport avec la pensée et qui par cela même la révèlent. »)

Vincent Duclert 

 

Lettre au Physicien

Blog réda
Dédiés à l’astrophysicien (et romancier) Jean-Pierre Luminet, les poèmes de Jacques Réda feront le bonheur des physiciens et des autres. C’est en « collection blanche », aux éditions Gallimard (126 p., 16 €). « Nos cheminements sont divers », mais la langue poétique est une, rapprochant tous ceux qui veulent imaginer et penser, connaître et rêver. La Lettre au Physicien constitue le deuxième volet de La Physique amusante

V. D. 

 

Les bâtisseurs d'empire

Blog stanziani
Alessandro Stanziani s’est intéressé, dans un bel ouvrage des éditions Raisons d’agir (coll. « Cours et travaux »), au « point culminant dans la création de trois grands empires eurasiatiques : russe, chinois et indien », l’année 1689. A cette époque, en Europe, les grandes nations se déchirent et se ruinent. Une perspective monde originale et ambitieuse, qui s'attache aux « batisseurs » de ces empires, soldats, administrateurs, colons, seigneurs, afin d'expliquer l'émergence irrésistible du pouvoir oriental.

Vincent Duclert

Illustration de couverture : « Fuite de l’armée de Nawrüz Ahmad Shaybâni, Jami al-tawarikh, Rashid al-Din, vers 1430, BNF.