Etats de violence
Le philosophe et juriste Frédéric Gros consacre un essai très éclairant sur les mutations des guerres modernes et leur supplantation par des « états de violence » destructeurs de la cité, de l’empire ou de l’Etat, des « unités politiques » que maintenait la guerre ancienne, « construite comme violence militaire éclatante et visible ». « Les états de violence contemporains, encadrés, régulés par des dispositifs de sécurité, font valoir plutôt la fragilité de l’individu, nous laissant en partage une définition nouvelle de la violence comme sentiment de ma vulnérabilité de vivant, accompagnée de l’idée d’une cause extérieure. [...] La guerre comme “conflit armé, public et juste” s’efface lentement, avec ses mensonges et ses noblesses, ses atrocités et ses réconforts. L’avenir des états de violence, régulés par des processus sécuritaires promettant d’en diminuer les risques, s’ouvre devant nous, exigeant de la pensée qu’elle inspire de nouvelles vigilances et invente de nouvelles espérances ». La conclusion de l’Essai sur la fin de la guerre (Gallimard, coll. « NRF Essais », 309 p., 18,50 €) souligne un point capital : devant ces « états de violence » qui détruisent l’individu et tous ses espaces intimes comme ses repères sociaux, civiques et politiques (voir par exemple la situation en Syrie ou au Soudan), et qui, par les systèmes médiatiques qui en rendent compte, font des témoins des complices involontaires, il convient d’expliciter cette menace fondamentale. Pour ensuite définir le combat adéquat contre cette fragmentation de la violence guerrière répandue à tous les niveaux humains.
Vincent Duclert
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