Cousu de fil rouge
On connaît les récits décrivant, du point de vue français, la mode des voyages en Union soviétique, des années 20 aux années 1980, le plus célèbre d’entre eux étant sans conteste le Retour d’URSS d’André Gide sorti dans les librairies françaises en novembre 1936. Cette mode est une énigme comme le fut la fascination d’une partie des élites intellectuelles, artistiques et scientifiques, pour la « patrie du socialisme ». Pour tenter de mieux comprendre le « pèlerinage à Moscou », deux spécialistes des mondes soviétiques, Sophie Coeuré et Rachel Mazuy, aidées de deux traductrices, archivistes aux Archives de l’Etat de la Fédération de Russie, ont édité dans un passionnant volume du CNRS Editions (coll. « Mondes Russes », 381 p., 25 €) ces Voyages des intellectuels en Union soviétique saisis du côté des hôtes et organisateurs grâce à l’exploitation de trois fonds d’archives, ceux de la Société panrusse pour les relations culturelles avec l’étranger (VOKS), du ministère de l’Education, et de l’Intourist. Méticuleusement présentés, ces documents inédits en France, publiés quasi-in extenso, sont précédés d’une riche introduction de Sophie Coeuré qui remet en contexte ce mythe politique et littéraire que fut le voyage en URSS et plonge dans ses « coulisses ». Le titre de l’ouvrage, Cousu de fil rouge, est emprunté à une citation d’André Gide écrivant à André Malraux en 1935 : « Défendre la culture, bien, mais alors pourquoi uniquement des signatures de gauche ? Ca lui paraît, comme il dit, cousu de fil rouge ! ».
Vincent Duclert
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