Face au pire des mondes
Les accords a minima, tant au sommet européen de Bruxelles qu’au sommet sur le climat de Durban, peuvent-ils constituer des réponses sérieuses au constat du « pire des mondes » dressé par l’économiste et historien de l’économie Michel Beaud, professeur émérite à l’université Paris 7 et auteur notamment du Basculement du monde en 1997 – qui donne son nom au blog de l’auteur (http://www.michelbeaud.com/ ). C’est un livre testament d’un homme qui croyait dans un monde possible et qui en constate désormais la déraison profonde. « Adolescent, le monde m’apparaissait plein de promesses. Aujourd’hui, je vois les opportunités gâchées, les engagements bafoués et un tragique laisser-faire face à des enjeux essentiels. Même si je n’en ai pas vécu les horreurs, la guerre – défaite, occupation, privations, destruction _ a marqué mon enfance. Lycéen, j’ai pris conscience des camps, de la terrifiante arme atomique et des ravages de la pauvreté extrême. Quand j’eus à m’orienter, je choisis d’étudier l’économie politique. En ce temps-là, je pensais y trouver de bons outils pour contribuer à rendre le monde meilleur. » Ainsi débute Face au pire des mondes qui s’interroge sur la montée des « formes d’apartheid entre riches et pauvres », sur l’empire du pouvoir « techno-industriel » s’imposant aux ressources du vivant et des humains, sur le risque d’ « implacable contrôle social ». Et si, poursuit l’auteur, « les violences des marchés et des spéculations planétaires finissent de briser les cohérences (nationales, régionales, locales), si, face aux désastres, les puissants groupes mondiaux s’imposent comme des sauveurs suprêmes, alors s’ouvrira la pire des ères de l’histoire humaine ». C’est sur ce risque proprement tragique que ce livre invite à réfléchir, « avec l’espoir que des forces suffisantes se mobiliseront pour l’écarter » ajoute Michel Beaud. Les responsabilités humaines dans ce désastre humain annoncé sont considérables, souligne-t-il. L’insouciance, l’aveuglement, le refus de voir, le manque d’esprit de responsabilité, l’incurie, l’absence de courage nécessaire, la préférence pour la facilité, une multitude de petites lâchetés, ont produit le vide dans laquelle le monde bascule. Michel Beaud ne veut pas être l’un de ceux qui, « au moment où ils pouvaient peser, n’ont pas osé : alerter, informer, décider, refuser ou tout simplement aider à la sensibilisation ou à la prise de conscience ». Son livre, publié aux éditions du Seuil (301 p., 20 €) en porte témoignage.
Vincent Duclert
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