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17 octobre 2011 |

Les conférences de Morterolles

Blog corbin
Le succès des primaires citoyennes/socialistes en France, avec plus de 2,7 millions de votants, démontre que l’appétit des Français pour la participation en politique n’a pas fléchi. Peut-être que le fameux « désenchantement démocratique » tenait davantage au fait que les consultations auxquelles les Français étaient appelés ne permettaient précisément pas cette participation, ne transmettaient pas ou plus l’idée d’une capacité individuelle et collective au choix. Cette appétence pour la politique, ou plus exactement pour l’expérience politique, pour le débat et la compréhension des enjeux présents, on la doit peut-être aux espaces sociaux créés par telles conférences populaires de la fin du siècle avant-dernier. Alain Corbin en a évoqué l’histoire dans un petit livre fort bien fait, Les conférences de Morterolles, hiver 1895-1896. A l’écoute d’un monde disparu (Flammarion, 199 p., 19 €). « M. Beaumont était un instituteur zélé, explique l’historien. Devançant un désir à peine formulé par ses supérieurs, il a, durant l’hiver 1895-1896, donné dans son école de Morterolles une série de dix conférences destinées aux adultes. M. Beaumond était un instituteur talentueux. A l’évidence, il passionnait son auditoire. Près d’une moitie des hommes et un quart des femmes de la commune sont venus l’entendre, sans que leur désir faiblisse au cours de cet hiver ». Pour Alain Corbin, s’intéresser à ces conférences permet de « tenter d’imaginer l’appétit de savoir qui poussait des cohortes obscures à venir l’entendre, dans les nuits froides de l’hiver ». Une telle formation, qui allait du patriotisme aux bienfaits du travail, de Madagascar à Valmy, de Charlotte Corday à Jeanne d’Arc, ne faisait pas seulement que transmettre des savoirs, ceux-là mêmes dont la République recherchait la promotion afin de mieux « s’enraciner » dans le pays selon l’expression consacrée. Car toute transmission intellectuelle, du moins dans ces cadres, favorise aussi l’éveil de l’esprit critique, le souci de valeurs communes et l’intérêt pour la participation politique. On le sait, ce mouvement des conférences et des universités populaires ont contribué à ce que le pays ne bascule pas dans le nationalisme antidémocratique et xénophobe quand éclata l’affaire Dreyfus, deux ans seulement après ce cycle des conférences de Morterolles. Le monde disparu était encore bien vivant, et le reste, sous d'autres formes seulement....

Vincent Duclert

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