Séquence Science-fiction. Planète sans partage
Il faut bien le dire, j'ai du retard dans mes lectures. Beaucoup de retard même. Mais j'ai une excuse : je n'étais pas né en 1962, quand est paru Ce monde est nôtre, de Francis Carsac. C'est un peu court : j'aurais bien pu le lire à la sortie de l'édition de poche (en « volume triple ») chez Presses Pocket, en 1977 (c'est largement accessible à un pré-adolescent). Pour 2€ chez un bouquiniste, j'ai réparé mon oubli. On trouve aussi le livre sur des sites de vente en ligne, mais l'éditeur ne connaît plus l'auteur. Et Eons productions, qui l'a réédité à son tour en 2006, a modifié la couverture. S'il avait conservé l'accorte demoiselle torse nu, pourvue d'une longue chevelure et équipée d'un arc, du plus bel effet « Avatar » qui orne celle que j'ai entre les mains, il en aurait peut-être vendu quelques milliers de plus! Certes, les Na'vis sont bleus et bruns, tandis que celle-ci est verte et blonde. Mais la thématique non plus n'est pas très éloignée de celle choisie par James Cameron : l'éternelle histoire de luttes entre espèces humanoïdes différentes pour la suprématie sur une planète.
La ressemblance s'arrête toutefois là. Trois populations, deux groupes humains arrivés à quelques centaines d'années d'écart et pour des raisons différentes (les premiers voulaient échapper à la civilisation technique, les autres s'étaient égarés dans l'espace), et un groupe plus étrange, de couleur verte, pourvus de six doigts, les Brinns, qui semblent autochtones, partagent tant bien que mal une planète. La Ligue des Terres Humaines, organisation supra galactique qui regroupe plus de 50 000 planètes ne peut tolérer la situation : plusieurs humanités sur une planète, c'est à plus ou moins long terme, l'assurance de conflits dévastateurs. A moins qu'il n'y ait des possibilités de métissage, il lui faut donc déterminer qui a le plus de légitimité à rester, et qui doit partir (très généreusement, ceux qui partiront auront le choix d'une planète hospitalière mais sans forme de vie intelligente, et l'aide technique et scientifique de la Ligue).
Deux « coordinateurs » sont donc envoyés sur cette planète pour enquêter et rendre leur jugement. Bien qu'ils soient très entraînés, intelligents et vigoureux, et équipés d'une technologie dernier cri, ils auront bien du mal à parvenir à leurs fins. Il est vrai que l'un des groupes a résolu d'exterminer les deux autres. Et que la faune de cette planète n'est pas toujours très accueillante.
Pourquoi donc ce livre a-t-il retenu mon attention? Parce que Francis Carsac n'était autre que le pseudonyme du grand préhistorien François Bordes (1919 - 1981), professeur à l'université de Bordeaux pendant 25 ans. Parallèlement à ses succès académiques, il rencontra aussi un succès littéraire dans la science-fiction. Je devais combler cette lacune de n'avoir jamais lu aucun de ses romans.
C'est vrai, depuis, on a eu la « Guerre des étoiles », « E.T. » et, je l'ai déjà mentionné, « Avatar », pour ne citer que les titres les plus connus. La rencontre entre plusieurs humanités est un thème rebattu de la science-fiction. Il l'était déjà dans les années 1960. Et, pour rester du côté préhistorique de l'auteur, dès 1911 la « Guerre du feu » de Rosny-Aîné mettait en scène pas moins de cinq types humains différents. Mais c'est quand même la première fois que je vois le dernier mot (ou presque) donné à l'archéologie et à la stratigraphie. On ne se refait pas!
Luc Allemand
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