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19 novembre 2010 |

L'année terrible

Blog fritz 
David Vandermeulen continue sa biographie dessinée de Fritz Haber. Il en est au troisième tome, intitulé Un vautour, c'est déjà presque un aigle (Delcourt, 2010, 160 p., 17,50€). Après les années de formation, et l'établissement institutionnel du chimiste, auxquels les deux précédents volumes étaient consacrés, nous voici en 1915. Année décisive dans la vie de Haber. Il y dirige en effet la première attaque au gaz dans les tranchées d'Ypres, en Belgique ; et son épouse se suicide d'un coup de revolver. Sur le front, le succès de l'arme ne se traduit pas par un avantage décisif de l'armée allemande comme il l'espérait. Pour les généraux, il reste un civil, juif qui plus est, même s'il s'était converti au christianisme. Et sa manière de faire la guerre n'est pas appréciée autant qu'il l'espérait. Il contribue à renforcer l'horreur, sans en tirer de réels bénéfices personnels. En parallèle de sa trajectoire individuelle, on assiste à l'exarcerbation du nationalisme allemand, et à celle d'un antisémitisme qui porte les germes de celui qui explosera dans les années 1930 (et dont Haber sera lui-même victime). Pas de suspens dans ce récit, on connaît le déroulement des événements. Mais une exposition de l'horreur guerrière et sociale. Les peintures de Vandermeulen, c'est vraiment le terme qui convient à chacune de ses cases, s'accordent plus que jamais à l'ambiance oppressante du récit. La mort n'est pas belle, l'idéologie raciste et nationaliste non plus. On en ressort nauséeux. C'est le seul sentiment raisonnable que l'on peut avoir devant de telles réalités. Les savants délirants de "L'homme qui ne voulait pas mourir" sont de doux dingues en comparaison. J'attends avec impatience les deux autres tomes (même si quelques années sans doute seront nécessaire à leur production). Ils développeront toutes les ambiguïtés de Fritz Haber, et son échec final : lui qui avait tant fait pour le prestige de la nation allemande en fut finalement chassé par les nazis. On n'aurait pas osé inventer un tel anti-héros.

Luc Allemand

 

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