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24 mai 2010 |

La face cachée de Yale University

Blog sienna
La couverture en jette, deux femmes plutôt bien mises de leur personne, l’une tenant une revolver, en pleine action policière, sur fond d’explosion de voiture et de scène de nuit dans une ville américaine. C’est le nouvel album de la série « Sienna », dont le scénario a été imaginé par Philippe Emmanuel Filmore, et qui a été dessiné par Chetville (couleurs, Tom Boa). Il est publié par Bamboo éditions, dans la collection de BN « Focus. Grand Angle » (48 p., 10, 40 €). Le sous-titre apparaît plus énigmatique, « Université de Yale… Licence en crimes… ». Cela commence à être intéressant, car au-delà des bonnes vieilles ficelles du thriller à l’américaine se pose la question des valeurs ultra-conservatrices à l’œuvre dans les respectables universités de la Nouvelle-Angleterre. L’aventure se déroule dans la plus prestigieuse d’entre elles (après Harvard), située comme sa rivale de l’ « Ivy League », au milieu d’un extraordinaire campus bâti pour l’essentiel au XVIIIe siècle, du temps de la colonisation anglaise dont l’université avait intégré les dogmes, puritanisme, aristocratie et ségrégation sociale. Yale a bien changé, mais une tradition conservatrice demeure, qu’exprime à sa manière la fameuse société secrète des étudiants, la Skull and Bones (littéralement « Le crâne et les os »), instituée en 1832 par William Hutington Russel de retour d’Allemagne où il avait été intronisé dans un « chapitre » des étudiants, dont l’emblème est la tête de mort aux os croisés et le surnom la « Botherhood of Death » ou « Fraternité de la mort ». En firent partie notamment les Bush présidents père et fils ainsi que John Kerry l’ancien candidat démocrate malheureux de 2004. Cette société secrète demeure active, les membres répugnent à en parler. Un code d’honneur persiste jusqu’à la mort et impose le silence sur cette fraternité qui profite largement aux intérêts conservateurs et de la « grande Amérique ». Dans ce monde à la fois ancien et tout à fait contemporain de Yale, Philippe Emmanuel Filmore a imaginé une intéressante série, très romancée, où deux jeunes femmes, diplômée de l’université (et dont l’une appartient à la CIA, ce qui aide parfois quand il s’agit de lutter contre les méchants), se combattent puis s’unissent pour démasquer un complot criminel. Le « dean » de Yale vient en effet d’être assassiné. Il projetait de moraliser les finances de l’institution qui permettait à de riches donateurs de bénéficier d’avantages fiscaux sans commune mesure avec les sommes effectivement versées. Mais il ambitionnait aussi d’ouvrir des établissements à l’étranger, d’abord en Amérique latine, afin de fonder une communauté de développement et d’échange, « des centaines de milliers de jeunes partageant une même éducation, s’enrichissant de leurs différences, parlant la même langue ». C’était intolérable pour le comité des mécènes de Yale qui décidèrent de son élimination physique et de son remplacement par un président qu’ils pouvaient manipuler à leur guise. La bonne vieille Skull and Bones reprit du service, au nom des valeurs éternelles de l’Amérique conservatrice, puritaine et clairement raciste. Mais c’était sans compter sur Sienna et Gabrielle, que tout devait pourtant opposer. Elles viendront à bout du complot, non sans péripéties. Quant à Yale dans la vraie vie, l’université finance un musée à Cuzco (Pérou) pour y abriter des œuvres de l’art inca du Machu Picchu.

Vincent Duclert




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